« De l’objet à la médiation », ou le jeu vidéo comme objet médiateur au sein d’un groupe

« De l’objet à la médiation »

Dominique Quélin Souligoux, Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003

Article disponible ici : « De l’objet à la médiation »


A partir de cet article, je tente de recueillir d’une part quelques propositions de base quant à la définition d’un objet médiateur, dans le cadre d’une situation de groupe thérapeutique. Puis j’en profite pour poser quelques questions plus précises sur l’utilisation du jeu vidéo comme objet de médiation dans ce cadre.

Introduction

Guy Gimenez introduit son étude sur « les objets de relation » par le fait que « les travaux des analystes d’enfants ont ouvert un champ de recherche nouveau sur le statut de l’objet concret dans le travail clinique. »[1] Il cherche ainsi, dans son article à « faire le point sur les recherches menées maintenant depuis une quinzaine d’années sur le concept d’objet de relation. »[2]

Quélin Souligoux souligne quant à lui combien dans le champ clinique, ces dernières années, sous l’influence croissante de l’usage des médiations, il y a eu une prolifération des termes désignant l’objet qui vient en lieu et place d’occuper cette place : objet médiateur, objet intermédiaire, objet transitionnel, etc.

Tous ces termes renvoient-ils à différents types d’objets, à différents contextes relationnels, à différents processus au sein de ces contextes (et si oui, sont-ils externes, ou bien internes, psychiques) ou bien encore, à différentes étapes ou différents stades au sein d’une relation qui évolue ?

Toutes ces questions sont précisément l’objet d’une réflexion plus générale que j’amorce ici par cet article sur l’objet que l’on utilise lorsqu’on parle de médiation.

L’objet de médiation

La constance de toutes ces notions (objet médiateur, objet intermédiaire, objet transitionnel, mais on peut ajouter, objet transformationnel, etc.), leur trait commun, me semble être en premier lieu, la nécessité de faire apparaître le fait que « la médiation introduit une relation à trois termes »[3].

Avant de s’engager plus en avant dans une tentative pour spécifier cette relation à trois termes, il m’apparaît intéressant de rappeler qu’au-delà de l’aspect oedipien que cette relation ternaire peut raviver, on peut penser aux arguments que Lacan a avancés dans son séminaire de 1956-1957 contre les conceptions de la relation d’objet qui mettent parfois trop l’accent sur la dyade mère-enfant, oubliant selon lui le fait qu’en troisième terme, il y a toujours le Phallus. Objet énigmatique par ailleurs, et qui chez Lacan évoluera, passant du registre de l’imaginaire à celui du symbolique. Il faudrait prendre le temps de s’attarder sur cet aspect phallique, afin d’examiner si l’on ne pourrait pas mieux comprendre les usages et surtout les processus de certaines médiations en fonction précisément de cet aspect phallique que pourrait représenter ou caractériser l’objet de la médiation. Ce ne sera pas l’objet de cet écrit.

Revenons pour le moment aux propos de Quélin Souligoux, et à une définition de la médiation.

Il faut donc ajouter au fait que « la médiation introduit une relation à trois termes » une autre condition, à savoir le fait, que pour être thérapeutique, ce qui va servir de médiation (objet concret, techniques, etc.) doit pouvoir être « détourné » d’un usage classique (que l’on peut qualifier de général, dans un sens finalement proche d’universel abstrait), pour être véritablement utilisé dans un contexte particulier, c’est-à-dire un contexte représentant une instanciation non prévue, et imprévisible vis-à-vis de cet usage général.

Autrement dit, l’usage et le sens de l’objet de médiation doivent pouvoir être transformés pour pouvoir suivre des objectifs qui vont relever précisément de la situation thérapeutique concrète. C’est seulement à ce titre, que, selon l’auteur, un objet (que ce soit le jeu libre, créatif, ou bien un objet concret, ou encore culturel) sortira d’un statut de « support de communication » pour « s’inscrire dans une démarche thérapeutique, s’il est recréé dans une utilisation qui lui sera spécifique et représentative de sa dynamique propre »[4]. Et c’est également seulement à ce titre, qu’il pourra être nommé « objet médiateur ».

L’auteur rapproche dans son texte sa définition d’un objet médiateur de celle de l’objet de relation, mais sans véritablement les distinguer. Nous tenterons ailleurs de poursuivre sur les éventuelles différences et points communs entre ces deux notions, en travaillant sur l’étude de Guy Gimenez sur « les objets de relation », et sur les travaux de Marcel Thaon.

Nous avons donc une condition pour qu’un objet puisse devenir un objet médiateur.

Qu’en est-il de ses fonctions à présent ? Nous allons simplement les lister à partir du texte :

  • L’objet médiateur va permettre de déclencher « chez chaque participant de la relation un travail de pensée » (p.30)
  • L’objet médiateur « représente aussi l’état de la relation à un moment donné de la rencontre » (p.30)
  • « Dans la relation psychothérapeutique, l’objet de relation jouerait donc un rôle de relais entre la communication consciente et la communication inconsciente ». Dans le texte, il n’est pas clair si cette communication conscient/inconscient se fait chez le même sujet, ou bien entre deux sujets.
  • L’objet médiateur jouerait « […] un rôle d’articulation entre les subjectivités de deux ou plusieurs personnes » (p.31)
  • L’objet médiateur « sert d’interprète, de transformateur, de transmetteur, de symboliseur entre la réalité psychique et la réalité externe » (p.34)
  • « L’objet médiateur peut aussi se situer à la rencontre de la réalité extérieure et du monde psychique interne du sujet puisqu’il est à la fois porteur des qualités concrètes de sa matérialité et des qualités abstraites de la relation. » Il semble que c’est à partir de cette dernière fonction que Marion Milner a parlé de « médium malléable » (dans « l’inconscient et la peinture »[5]). Cette malléabilité est à articuler avec la nécessité de la malléabilité de ce que Winnicott appelle l’environnement, et ce qu’il a essayé de préciser au sujet de « l’usage de l’objet ». Plus précisément développé dans Jeu et réalité, au chapitre « L’utilisation de l’objet et le mode de relation à l’objet au travers des identifications »). Un sillon que René Roussillon n’a cessé par la suite de poursuivre.

On peut résumer cela ainsi. Les « objets médiateurs » en situation groupale, semblent avoir deux grandes fonctions :

1)      soutenir en somme les interventions du thérapeute qui vise à créer du groupe.

2)      Intervenir comme « facilitateurs » des processus de symbolisation.

Au sein de cette dernière fonction, on pourrait distinguer trois sous-fonctions :

a)      déclencher un travail de pensée chez les sujets en relation

b)      représenter l’état de la relation entre les sujets

c)      jouer un rôle d’interface entre les parties conscientes et inconscientes des sujets, entre la réalité psychique et la réalité extérieur pour chacun, et entre les sujets.

Quélin Souligoux se réfère ainsi aux conceptions de Winnicott quant au développement de l’enfant désignées par les termes de « processus de maturation ». Et il faudrait développer le rôle de « l’illusion omnipotente », de la désillusion, et de la symbolisation chez Winicott.

La fonction du groupe, « les effets de groupement » et la place de la médiation

L’objectif de Quélin Souligoux, en tant que thérapeute, est de travailler, par ses interventions, à « construire du groupe » à partir d’une situation collective. On peut expliciter ce que l’auteur ne fait pas directement dans son texte, à savoir qu’il distingue le collectif, qui ne désignerait ici finalement qu’un rassemblement d’individus, du groupe, ou plutôt des « effets de groupement », qui seraient, quant à eux, cette possibilité, au sein même de la situation collective, de faire entrer en jeu ce que Winnicott appelle l’environnement dans les processus de maturation.

Ces « effets de groupement » sont ainsi censés construire un autre espace, qui supportera à son tour, « une aire de symbolisation ». En usant des « objets médiateurs », le thérapeute vise donc à renforcer ses propres interventions en direction de certains processus qui sont à la base des transformations des agirs des enfants. En d’autres termes, leur usage a pour objectif d’essayer de renforcer les processus de symbolisation.

Mais pour l’auteur, c’est donc l’institution d’un groupe qui est d’abord visé par le thérapeute. C’est « cet effet de groupement » qui va permettre que s’enclenchent, par la suite, certains processus de symbolisation de l’expérience de l’illusion omnipotente, vécue différemment ici, précisément grâce aux objets médiateurs.

Les « objets médiateurs » semblent donc avoir deux fonctions. D’une part, ils sont là pour soutenir en somme les interventions du thérapeute qui vise à créer du groupe. D’autre part, ils interviennent en quelque sorte comme « facilitateurs » des processus de symbolisation.

Une question importante surgit ici, que l’auteur pose en ces termes : « Quels rapports ce jeu et cette créativité entretiennent-ils avec le processus groupal et l’objectif du groupe ? »[6]

Quélin Souligoux insiste sur le fait que la façon dont il pense, dans cet article, l’utilisation d’un groupe à médiation consiste à placer comme objectif premier de ce groupe, une finalité thérapeutique, et que par conséquent « la médiation ne constitue qu’une des composantes du dispositif, mais ne spécifie pas un mode d’intervention »[7].

Car en effet, par contraste, on peut concevoir dans certaines situations, que l’objectif du groupe que l’on constitue sera la médiation elle-même, en tant qu’on la proposera comme déjà là. On spécifiera ainsi des règles de fonctionnement du groupe en fonction de la médiation, et éventuellement un projet pour ce groupe, mais qui sera défini en fonction de la médiation elle-même.

Dans un cas, on a donc un groupe que l’on va constituer pour une médiation spécifique (un atelier théâtre par exemple), et les objectifs et moyens que l’on mettra en œuvre seront là pour favoriser l’accès des participants à la médiation proprement dite. En somme, dans ce premier cas, c’est la médiation qui est première dans le dispositif, et l’appropriation et les règles du groupe sont définies en fonction des caractéristiques de la médiation.

Dans l’autre cas, et c’est celui que l’auteur étudiera dans son texte, la médiation n’est qu’une composante du groupe, censée favoriser et accélérée certains processus relatifs aux « effets de groupement ». Les objectifs que l’on va se fixer quant à ce groupe ne vont donc pas découler cette fois de l’emploi de telle ou telle médiation (une représentation publique à la fin d’une année d’un atelier de théâtre) ; la médiation « ne spécifie pas un mode d’intervention. Sa présence ne vient en aucun cas occulter ou affadir les phénomènes groupaux qui vont pouvoir se déployer et sur lesquels vont porter avant tout les interventions du psychothérapeute »[8]. Cette fois, la médiation est censée s’intégrer « simplement aux techniques psychothérapeutiques groupales d’inspiration psychanalytique »[9].

Ainsi, si l’on choisit d’utiliser telle ou telle médiation, comme le jeu vidéo par exemple, il convient donc de se poser la question : la médiation choisie peut-elle viser à soutenir les phénomènes groupaux, ainsi que les fonctions de symbolisation qui y sont associées ?

C’est pour cette raison, il me semble, que Leroux dans son article « Le jeu vidéo comme support d’une relation thérapeutique »[10], souligne bien le cadre du groupe qu’il a construit et qui vise à soutenir les processus qui feront émerger ces « effets de groupement ». Nous reviendrons sur ce dernier point plus tard.

Quélin Souligoux apporte peut-être un élément de réponse lorsqu’il nous dit qu’ « une autre possibilité intermédiaire consiste à l’utiliser [la médiation] pour moduler la régression due à la mise en groupe. En effet, il existerait un danger que le groupe, par son excitation, renforce le côté pulsionnel et menace le moi des enfants. »[11]

Dans cette optique, la médiation est toujours mise en place en fonction des effets thérapeutiques que le groupe en lui-même est supposé avoir, et ses caractéristiques sont elles-mêmes mises au service « du sentiment d’appartenance groupal », autrement dit, elles sont censées protéger chacun des participants en s’offrant comme support imaginaire aux processus qui permettront à chacun de construire l’illusion d’être un membre d’une entité qui peut les protéger.

Puis, afin de nous faire saisir ce qu’il vient de développer sur les liens entre l’objet de médiation et le groupe, l’auteur nous relate une partie d’une séance où un enfant va partager son angoisse, suite à une maladie qui l’oblige à rester sans bouger. Le thérapeute, en intervenant donc sur le groupe, va ramener « cette inquiétude individuelle à un sentiment partagé par tous, mais difficilement exprimable »[12]. Cela va avoir comme conséquence de permettre à cet enfant malade de demander aux autres de jouer avec lui. Ce qu’ils vont faire, dans une atmosphère d’accueil des affects dépressifs, et de tentative de réparation via un partage des émotions, au travers de l’objet de médiation de ce groupe. (Du papier, des crayons, « des livres choisis pour leur contenu et leur présentation et [d’]un jeu de lettres sur huit dés permettant de former des mots à partir d’un lancer au hasard sur une piste ronde délimitant un espace de jeu. »[13])

Retour sur la malléabilité et le jeu vidéo

A travers l’exposé théorique et l’exemple clinique de cet auteur, je poserai ainsi plusieurs questions sur l’utilisation de l’objet jeu vidéo comme objet de médiation au sein d’un groupe.

En effet, pour poursuivre sur la problématique de la malléabilité, dans quelle mesure le jeu vidéo pouvait être « détourné » de son usage, et peut être d’un aspect de compétition qu’il pourrait susciter ?

En effet, l’auteur écrit : « la possibilité médiative ne serait donc pas attachée à la présence ou non d’objets divers ou variés ou de techniques plus ou moins sophistiquées ou rigides, mais à l’utilisation qui peut en être faite, en particulier à partir de cette qualité spécifique […] qu’est la malléabilité et qui permet la création. »[14]

Il est difficile de ne pas être d’accord. Le type d’utilisation qui est visée et qui serait la base de la médiation semble donc être à la fois attachée aux qualités de l’objet, mais aussi et peut-être surtout aux possibilités d’invention des sujets participant au groupe eux-mêmes ?

Dans ce cadre, il est facile de concevoir que la pâte à modeler puisse être le paradigme. Mais quelles sont les limites finalement au détournement d’objets, sinon celles que l’on se pose bien souvent ?

Quélin Souligoux fait d’ailleurs le lien entre cette qualité de « malléabilité » et la symptomatologie des sujets, à propos desquels l’utilisation d’objet médiateur au sein d’un groupe thérapeutique semble être le plus profitable.

Cette symptomatologie est décrite à partir du vocabulaire et des recherches de Winnicott. Comme nous l’avons souligné, Quélin Souligoux met en relation la malléabilité première de l’environnement et la malléabilité de l’objet de médiation, afin qu’il devienne un véritable support des processus de symbolisation.

Les conséquences des « défaillances premières » de l’environnement peuvent être décrites à partir de la relation qui va s’installer, pour un sujet, entre sa réalité psychique (le désir inconscient) et la réalité externe ; une relation à l’intérieur de laquelle l’omnipotence d’un côté, et le retrait total de l’autre, seraient les deux pôles opposés. Ces « défaillances premières » auraient partie liée avec la malléabilité que l’enfant a pu expérimenter dans ses premières relations avec l’environnement, afin de pouvoir établir un contact satisfaisant avec la réalité externe (c’est à dire qu’il ne ressent pas le besoin de la fuir ou d’y faire régner la toute-puissance de ses désirs, ni d’y adhérer au point de nier sa réalité psychique).

La relation entre le thérapeute et l’objet de médiation : la « bonne distance »

Un autre point essentiel de l’article concerne la relation entre le thérapeute et l’objet de médiation. Celui-ci est discuté dans la seconde partie de l’article intitulée « Place de la médiation dans le dispositif groupal thérapeutique ».

« […] l’adulte doit être à la fois intéressé et assez détaché pour pouvoir laisser le médiateur être support du processus primaire le temps nécessaire, tout en faisant advenir le processus secondaire en amenant à dire ou à faire des choses sans pour autant insister ou diriger, ce qui ferait tomber dans l’attitude pédagogique et abandonner ainsi la référence à un cadre psychanalytique. »[15]

Ce point me paraît en effet essentiel. L’attitude pédagogique envers l’objet de médiation est un versant qu’il faut éviter. Le thérapeute doit donc lui aussi naviguer dans sa propre relation au médiateur, en faisant des allers-retours entre son propre vécu au sein du groupe et ses interventions visant à favoriser la symbolisation de ce vécu.

Et c’est aussi pourquoi le choix de l’objet, ainsi que son investissement, doivent être au préalable questionnés.

Son investissement par la thérapeute ne doit donc pas faire basculer le cadre psychothérapeutique vers un cadre trop pédagogique. La question de « la bonne distance » (« à la fois intéressé et assez détaché ») doit être une réelle préoccupation pour le thérapeute.

Pour continuer sur ce questionnement autour du jeu vidéo comme médiation, qui peut cependant être élargi à bien d’autres objets culturels. La spécificité du jeu vidéo étant que les discours médiatiques véhiculés sont particulièrement passionnés et ont fait de cet objet le support d’enjeux importants.

Aussi un psychothérapeute/chercheur souhaitant étudier un objet comme les jeux vidéo dans ce type de cadre, une médiation psychothérapeutique, ne pourrait-il pas adopter une posture inconsciente qui consisterait, face aux discours négatifs, emprunts de panique moral, à défendre cet objet, et ainsi avoir du mal à « se détacher » de l’objet de médiation qui serait à la fois son objet de recherche ?

Peut-être n’est-ce pas un problème en soi ? Mais il me semble alors que conserver une certaine ambivalence quant à cet objet de médiation, peut être un bon moyen pour continuer à prendre ses distances, et permettre de garder une attitude facilitatrice envers l’objet médiateur au sein de toute relation psychothérapeutique.

Le choix du médiateur : un « objet représentationnel » ? Un objet partageable par un groupe ?

Concernant le choix du médiateur, on retrouve évidemment les questions précédemment abordées autour de la malléabilité.

Si la possibilité d’un objet d’être un médiateur semble se situer dans la présence de certaines qualités qui font de lui un objet  possiblement transformable, « détournable » de son usage, pour être alors le support d’une mise en relation entre différents sujets, mais aussi une sorte d’interface entre la réalité psychique de chacun d’eux, et la réalité externe, il semble nécessaire de réfléchir sur les qualités de l’objet, en fonction également des possibilités des sujets.

Autrement dit, on doit d’une part prendre en compte les capacités de symbolisation de ces sujets, ainsi que leurs entraves, et d’autre part, anticiper autant que faire se peut sur la rencontre entre ces sujets et l’objet médiateur.

Mais comment anticiper cette rencontre ? Et est-ce possible ?

La question m’apparait aujourd’hui pouvoir se déplacer pour porter alors sur les caractéristiques représentationnelles de l’objet médiateur choisi.

Si l’on part du principe que les caractéristiques d’un objet médiateur doivent pouvoir soutenir la symbolisation au sein d’un groupe, constitué de sujets, justement aux capacités de symbolisation entravées, devrait-on privilégier des objets culturels (comme par exemple le jeu vidéo) qui proposent des représentations visuelles, une narration, etc.

Ou bien, devrait-on proposer des objets plus concrets, qui ne porteraient pas par exemple de représentations préalables, et dont l’usage, de ce fait, pourrait être plus aisément détourné ?

Enfin, reprenant les indications de l’auteur, sur « la façon de présenter le médiateur », en relation avec la façon dont les enfants vont l’appréhender, je questionnerai les possibilités de l’usage de tel ou tel objet médiateur dans un contexte groupal.

En effet, encore une fois, si l’on pose comme principe premier que, « l’effet groupal » que l’on cherche à favoriser et qui est censé permettre la mise en place d’un espace de symbolisation, comment présenter ou proposer tel ou tel objet médiateur comme le jeu vidéo, afin qu’il n’entrave pas précisément les processus de mise en place de ce groupe, alors que son usage pourrait induire peut-être de prime abord une utilisation solitaire ?

En tout cas, c’est l’utilisation la plus courante que les enfants connaissent. Et c’est peut-être là que réside aussi un intérêt, dans le fait de détourner justement cette utilisation, pour faire du jeu vidéo une situation ludique en groupe ?

Il semble que Leroux a proposé un dispositif matériellement conséquent, mais permettant justement de prendre en compte ce souci de ne pas entraver la mise en place du groupe.

Dans « Le jeu vidéo comme support d’une relation thérapeutique », Leroux décrit comment il a construit un « appareil de travail »[16], pour contenir, tout en représentant, les processus inconscients, et surtout un lien de parole pour que le travail de symbolisation soit opérant. Le travail de groupe qu’il propose se fonde donc sur différents dispositifs pour tenter de construire cet « appareil de travail » :

La technique du territoire[17] où chaque participant est « propriétaire » d’un matériel identique (la sauvegarde dans ce cas) qui définit son territoire par rapport au territoire commun (la sauvegarde du groupe) et au territoire des autres participants (leurs propres sauvegardes). Le choix du territoire (commun ou individuel) et sa gestion sont des indicateurs de la dynamique consciente et inconsciente de l’individu dans le groupe.

La technique du psychodrame psychanalytique de groupe pour l’alternance entre temps de jeu et temps de parole. La parole pouvant être introduite aussi pendant le jeu par la description faîte par le psychologue des actions entreprises par le joueur. Le bouton pause est aussi utilisé pour expliquer un moment clef du jeu. La parole du psychologue intervient alors pour faire lien entre le joueur et le reste du groupe, formant une cohésion de groupe autour d’un récit commun raconté par le thérapeute.

Enfin, le travail de médiation d’objet ; les jeux vidéo, comme tous les objets, « sont une exigence à la symbolisation » comme il l’écrit. Mais plus précisément, ils sont à la fois des objets concrets (manettes, consoles…) et subtils (images, musiques…). Et c’est en raison de ce métissage, que tente de cerner par ailleurs la notion de gameplay, que les jeux vidéo peuvent être « de bons candidats pour la médiation »[18].

L’enjeu de la mise en place de ce type d’ « appareil de travail » serait ainsi de pouvoir prendre en compte les processus groupaux et individuels au travers de l’utilisation du territoire, des investissements objectaux au sein du jeu (envers les personnages) et dans le groupe, du passage de processus primaires (l’acte en image) à la symbolisation par la parole (construction d’un récit fantasmatique à partir du matériel représentatif du jeu) et de la réflexivité du jeu sur le narcissisme du sujet.


[1] Guy Gimenez, « Les objets de relation », in Les processus psychiques de la médiation, Sous la direction de Bernard Chouvier, Dunod, 20002, p.81.

[2] Guy Gimenez, « Les objets de relation », in Les processus psychiques de la médiation, Sous la direction de Bernard Chouvier, Dunod, 20002, p.81.

[3] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 30. Il faudrait développer beaucoup plus ce point. Et s’interroger aussi en ce qui concerne cet objet transformationnel.

[4] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 30.

[5] Marion Milner, L’Inconscient et la peinture : Une approche psychanalytique du dessin chez l’enfant et l’adulte, PUF, 1976.

[6] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 32.

[7] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 32 et 33.

[8] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 33.

[9] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 33.

[10] Yann Leroux, « Le jeu vidéo comme support d’une relation thérapeutique », in Adolescence, 2009, 27, n°3.

[11] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 33.

[12] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 33.

[13] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 33.

[14] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 34.

[15] Dominique Quélin Souligoux,, « De l’objet à la médiation », in Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n°41, 2003, p. 36.

[16] A partir de la notion d’ « appareil psychique groupal » développée par Kaës.

[17] Privat et Quélin-Souligoux, L’enfant en psychothérapie de groupe, 2000, Dunod.

[18] Yann Leroux, « Le jeu vidéo comme support d’une relation thérapeutique », in Adolescence, 2009, 27, n°3, p.703.

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1 réponse à “« De l’objet à la médiation », ou le jeu vidéo comme objet médiateur au sein d’un groupe”


  1. [...] vidéo, fournit une bonne synthèse du rôle psychique de l’objet dans un billet intitulé « De l’objet à la médiation », ou le jeu vidéo comme objet médiateur au sein d’un groupe. S’appuyant sur un article de Dominique Quélin Souligoux, dans la Revue de psychothérapie [...]

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