Notes sur le Séminaire LA RELATION D’OBJET – introduction
Paris, le 3 mai 2011.
Afin de travailler sur la notion de jouissance (par exemple dans les rapports homme-machine), sur celle de phallus (autour des objets médiateurs), j’ai décidé de travailler sur ce séminaire pour m’ouvrir, je l’espère, quelques possibilités d’approcher ce que j’essaie de chercher en ce moment.
Ce ne sont que des notes autour des différentes séances de ce séminaire…
Il est difficile pour travailler un séminaire de ne pas parler un peu des précédents tant les outils que Lacan forge sont « recyclés » d’années en années.
En quelques mots…
Au cours des années 1951-1952 et 1952-1953, Lacan a commenté les cinq psychanalyses de Freud. Et c’est là qu’il a commencé à parler des trois termes symbolique, imaginaire et réel.
Puis, après 1953, c’est à dire après la scission et la création de la SFP (le public s’est donc élargi et a changé) Lacan continue son séminaire en reprenant ce qu’il a développé autour de ces trois dimensions.
L’année 1953-1954 fut consacrée aux éléments techniques tels que les notions de transfert, de résistance et de refoulement. Mais il expose également la topique de l’imaginaire, et commence déjà à aborder la notion de relation d’objet au travers d’une lecture critique des écrits de Michael Balint.
L’année 1954-1955 fut centrée sur une sorte de déconstruction de la notion de Moi, toujours en s’appuyant sur la distinction des trois termes. L’objectif est de démontrer que la théorie qui place le Moi au centre (en rendant équivalent, moi et conscience) est une régression théorique au regard de ce que tentait de décrire Freud.
Au cours de ces deux années, il va dégager deux notions importantes, celle de symbolique et celle d’Autre.
L’année 1955-1956 est consacrée aux psychoses. Il va essayer de mettre en œuvre ces deux notions (symbolique et Autre). Il relit les mémoires de Schreber. Et il va commencer à mettre au centre de sa théorie la place du signifiant. Il construira la fameuse notion de Verwerfung, la forclusion, et le non moins célèbre Nom-Du-Père.
Nous allons maintenant nous recentrer sur le séminaire qui nous occupe et qui a eu lieu, lui, du 21 novembre 1956 au 3 juillet 1957.
Le titre original du séminaire, que Lacan rappelle à la première séance, est « La relation d’objet et les structures freudiennes ».
Qu’est-ce que Lacan vise en tenant ce séminaire sur la relation d’objet cette année-là?
Il s’inscrit d’emblée dans ce « retour à Freud », et le fait qu’il bataille toujours contre les tenants de l’Ego-psychology. Ce séminaire a lieu au moment où la notion de relation d’objet était mise au premier plan de la théorie psychanalytique. Du point de vue pratique, le progrès de la cure était fondé sur une rectification du rapport du sujet à l’objet. Ce rapport sujet-objet était considéré comme une relation duelle. Lacan va développer ces points dans les premières séances.
Pourquoi la relation d’objet était-elle au premier plan ?
Freud l’emploie parfois (Dans Deuil et Mélancolie, par exemple, Freud écrit « Il avait existé un choix d’objet, une liaison de la libido à une personne déterminée ; sous l’influence d’une vexation ou d’une déception réelles de la part de la personne aimée, intervint un ébranlement de cette relation d’objet. »[1]). Mais comme le soulignent Laplanche et Pontalis, elle ne fait pas partie de son appareil conceptuel.
Mais à partir des années 30, dans les disciplines qui tentent de décrire le développement de l’homme, l’accent est mis sur les relations entre l’organisme et l’environnement. La psychanalyse n’échappe pas à ce mouvement. Pour reprendre les mots de Michael Balint qui a œuvré pour mettre au premier plan la notion de relation d’objet, il fallait passer d’une one-body psychology (c’était une expression de John Rickman, un analyste anglais) à une two-body psychology. On commençait donc à reprocher à Freud le fait qu’il aurait décrit les choses uniquement du point de vue du sujet, de l’intra-psychique. Et on met l’accent sur le manque théorique de Freud quant à cette notion d’objet. C’est en effet un élément constitutif de la pulsion, dans les trois essais. Et Freud examine également les réactions à la perte de l’objet, de l’objet externe, réel et aimé, pour en faire un paradigme dans Deuil et Mélancolie.
C’est après la seconde guerre mondiale, avec les débats anglo-saxons, que cette notion de relation d’objet va véritablement arriver au devant de la scène psychanalytique avec les travaux de Mélanie Klein, Michael Balint, Ronald Fairbairn ou encore Donald Winnicott.
On voit donc au final deux sortes de centrage s’affirmer. Ce que certains psychanalystes appellent :
L’object-seeking, où est décrit un homme fondamentalement orienté vers la recherche de l’objet.
Le pleasure-seeking, où l’homme est cette fois d’abord en quête de la satisfaction sexuelle et du plaisir, certes au travers d’objets, mais mis au second plan.
En gros, cela modifie la façon dont on utilise la théorie de la pulsion.
Lacan va donc reprendre ce qu’il a développé les années précédentes à savoir que, selon lui, l’on ne peut pas penser la relation analytique comme une relation duelle. C’est par exemple le but du schéma dit Z (ou dit encore L). Il introduit un autre point de vue, celui de l’intersubjectivité d’une part, et celui de la dimension symbolique, et bien sûr son articulation avec celle de l’imaginaire.
Lacan a déjà développé certaines distinctions dans les années précédentes, qui étaient centrées plutôt du côté de la technique utilisée dans la cure (qu’est-ce que la résistance, ou le transfert). Il a essayé d’avancer un certain nombre de choses sur la situation analytique, sur la relation analyste-analysant. Il va à présent s’avancer du côté de la théorie, au travers de ce qui est en vogue à ce moment, c’est à dire la théorie de la relation d’objet.
[1] Sigmund Freud, « Deuil et Mélancolie », in Œuvres complètes, tome XIII, PUF, 2005, p. 269.
mot(s)-clé(s) : Freud, la relation d'objet, Lacan, Maurice Bouvet, Michel de M'Uzan
You can leave a response, or trackback from your own site.
Merci pour cette présentation. Elle sera je crois, appréciée (et utile) par le groupe de travail sur la RO qui débutera prochainement.
De rien…
Et ravi que cela vous soit potentiellement utile !
Quel est ce groupe de travail ?
Désolé de vous répondre si tardivement : je n’avais pas supposé que la réponse se trouverait sur votre site.
Il s’agit d’un petit groupe de réflexion sur les pratiques dont j’ai proposé qu’il soit en quelque sorte « bordé » par un séminaire de Lacan et bien sûr les textes majeurs de Freud qu’il convoque.
Nous utilisons pour la lecture du séminaire deux versions : celle établie par l’ALI (dont je suis membre) et l’excellente réalisation de « staferla »
Quoique poursuivant ma pratique sur Paris, une amie m’ayant signalé une forte demande de travail théorique sur Sens j’ai donc initié ces réunions.
Bien à vous
A. Dufour
Pas de souci.
En fait, j’ai un problème avec le thème de WordPress que j’ai installé, et je ne peux récupérer les adresses mail laissés dans les commentaires. Aussi je réponds par ce biais…
Je ne connaissais pas le site de « Staferla », mais je note ! Merci.
Je n’ai pas lu la version de l’ALI de ce séminaire, et me suis « contenté » de celle de JAM.
Concernant l’ALI, j’essaie d’y suivre le séminaire et le travail de Pierre-Henri Castel…
Je vous souhaite alors un très bon travail pour ce groupe de réflexion !
Amicalement,
VLC.