Psychanalyse et adolescence

Introduction

Lorsqu’on étudie la littérature psychanalytique au sujet de l’adolescence, il n’est pas aisé de s’y retrouver. Et ce serait une gageure que de se lancer dans un résumé de la littérature sur le sujet. Ce que j’essaierai de faire ici, ce sera de retracer mon propre itinéraire. Pour ce faire, un axe m’a permis de tracer une première démarcation.

En effet, depuis presque 25 ans, tout un courant de recherche a mis l’accent sur les difficultés du passage de l’enfance à l’adolescence, ou pour le dire autrement, ce courant a essayé de caractériser au mieux ce qui se produisait avec l’arrivée de la puberté, par rapport à l’infantile. C’est ce qu’à la suite de Philippe Gutton on a pris l’habitude de résumer sous le terme de pubertaire. Nous reviendrons sur ce concept plus loin.

Disons simplement pour le moment que Gutton distingue les processus du pubertaire des processus de l’adolescens. Les premiers désignent les phénomènes psychiques qui sont induits par la venue de la puberté. Le pubertaire a ainsi pour lui, un ancrage neuro-hormonal et éthologique, qui advient avec un caractère de nouveauté radicale, ayant une date, une origine fixe. Tandis que les seconds désignent les phénomènes de transformations des identifications qui ont lieu, parfois tout au long de la vie.

Ces recherches (portées en France entre autres l’équipe de l’Unité de Recherches Adolescence, puis le Collège International de l’Adolescence, en Grande-Bretagne par les Laufer, et aux Etats-Unis par Peter Blos) ont permis tout d’abord de conceptualiser l’adolescence, puis d’en faire un processus.

Auparavant l’adolescence restait dans le champ du développement et désignait plutôt un âge de la vie, et une crise. Pierre Mâle avait déjà commencé à mettre en avant l’originalité juvénile[1] et l’aspect révolutionnaire de l’adolescence dans son rapport à l’infantile. Et c’est à partir des années 60 que l’on peut clairement dire que l’adolescence est sortie de l’enfance, notamment avec le fameux texte de Kestemberg « Identité et identifications chez les adolescents », qui servira d’appui important pour les tentatives de description du monde interne de l’adolescent et de ce qu’il a de plus spécifique au niveau de son économie psychique.[2]

D’un point de vue historique, si l’on suit par exemple Patrick Delaroche[3], après une naissance sociologique, au 19ème siècle, la notion d’adolescence, née avec la Révolution, ne va acquérir ses fondements médicaux et psychologiques qu’au 20ème siècle. La psychanalyse a par ailleurs joué un rôle important dans son l’histoire de ce concept. Cela ne veut pas dire que l’adolescence n’existait pas, mais qu’elle sera identifiée par la société qui va la poser comme un état reconnu, et principalement d’ailleurs comme une crise. Comme l’explique Jeammet[4] par exemple, l’adolescence est « une réponse de la société face à des phénomènes physiologiques et physiques qu’engendre la puberté. […] La puberté est un processus toujours identique. Ce qui change, c’est la forme sociale et individuelle sous laquelle se manifestent ces modifications. Dans notre société libérale, l’adolescence est plus longue. C’est à la fois une chance et une évolution qui comportent des risques.»

Dans la première moitié du 20ème siècle les premiers cliniciens de l’adolescence apparaissent. Ils sont d’abord des éducateurs ou des enseignants pour la plupart. Florian Houssier[5] montre d’ailleurs comment les concepts de « Pubertät » et d’« Adoleszenz » émergent sur le fond des réflexions autour des échecs scolaires et des désordres sociaux.

Si l’on suit une approche développementale, la période de l’adolescence apparaît comme l’achèvement et la répétition de l’enfance. Mais les données cliniques et la poursuite de recherches théoriques dans le cadre de la psychanalyse révèlent un travail psychique spécifique qui aboutit à un remaniement structural de la personnalité.

Annie Birraux dans « De la crise au processus »[6] décrit très bien cette évolution conceptuelle qui partit donc de « la crise d’identité ou crise d’originalité juvénile à la notion de processus » et qui peut se décrire comme un mouvement d’intériorisation conceptuelle analogue au mouvement adolescent d’intériorisation psychique :

« un mouvement externe débordant les institutions et qui en appelle aux hommes de l’art (éducateurs, enseignants, médecins, psychologues) pour dessiner ses marges » laissant place à « un investissement scientifique de ces marges pour en extraire [….] ce qui est utilisable », pour finir en « un déplacement, une intériorisation de cet investissement qui permet de faire advenir une véritable création. »[7]

L’adolescence devenue processus au sein de la psychanalyse, ces recherches ont également permis de distinguer sur le plan psychopathologique (et c’est là l’axe de démarcation dont nous parlions plus haut et qui peut nous servir de fil rouge) le devenir de pathologies telles que les psychoses infantiles lors de l’arrivée de la puberté, de ce que l’on a nommé les psychoses pubertaires, qui seraient plutôt de l’ordre d’impasses subjectives actuelles à faire face aux changements psychiques induits par l’arrivée de la puberté. Le concept de subjectivation (introduit dans ces recherches par Raymond Cahn à partir de son ouvrage Adolescence et Folie écrit en 1991, et utilisé plus largement dans le suivant L’adolescent dans la psychanalyse. L’aventure de la subjectivation écrit en 1998) a pu ainsi rendre de grands services dans une certaine unification de ces différentes descriptions théoriques. Nous terminerons d’ailleurs ce petit exposé sur ce concept.

Ainsi, avec la reconnaissance du pubertaire, on a la possibilité d’approcher à l’adolescence d’un côté, les difficultés comme prolongements de failles structurales établies depuis l’enfance, et de l’autre ce que Gutton a pu nommer la folie pubertaire, ou la psychose pubertaire selon François Marty[8], c’est à dire la mise en place de modes de fonctionnement psychotiques éventuellement transitoires, mais qui en tout cas signeraient de façon exemplaire les spécificités métapsychologiques des processus adolescents. L’enjeu est clair : mettre en avant les spécificités de ces processus adolescents permettrait d’insister sur la part d’opportunité bénéfique d’une intervention psychothérapeutique durant ce remaniement de la structuration psychique du sujet. Enfin, le débat sur ces spécificités métapsychologiques n’est pas clos, ce qui permet peut-être de remettre la pensée en mouvement et les théories au travail. Par exemple le congrès « Existe-t-il une psychanalyse de l’adolescence ? » a eu lieu en février 2009. Ce débat existe en effet depuis l’origine de ce courant de recherche au sein du mouvement analytique. Et il suffit de se pencher sur l’histoire de l’Unité de Recherche sur l’Adolescence pour l’observer dans les institutions, à propos de la pertinence d’isoler et de différencier l’adolescence.[9]

En suivant l’hypothèse d’Annie Birraux sur l’évolution conceptuelle de l’adolescence, et en lisant l’avant-propos du livre de Raymond Cahn Adolescence et folie, on perçoit bien que grâce à la nécessité clinique d’ouvrir, de construire, des lieux de soin spécifiques aux adolescents, on a pu persévérer dans les travaux de recherche théorique sur la spécificité de ces processus. Ainsi, dans un premier temps, il y a bien reconnaissance clinique (qui suit donc la première reconnaissance, d’abord sociale) d’une nécessité à distinguer quelque chose, avant de pouvoir construire et tester des hypothèses théoriques.

Une autre hypothèse sur le rapport entre psychanalyse et adolescence est celle d’un certain héritage freudien du refoulement de l’adolescence au sein même de la théorie psychanalytique (Il s’arrête au seuil de la puberté dans « Les trois essais sur la théorie sexuelle », et devant l’urgence et la nécessité à faire reconnaître l’existence de la sexualité infantile, il aurait été stratégiquement délicat d’appuyer sur une possible distinction des processus pubertaires et des processus infantiles tant cela aurait pu se retourner contre lui, ou contre l’idée même de cette sexualité infantile au profit de l’idée courante de la puberté comme véritable début de la sexualité). Ce qu’Anna Freud aurait en quelque sorte tenté de pallier en formant un certain nombre de disciples et en les incitant à travailler sur ce champ. Certains vont jusqu’à dire que le fait qu’Anna Freud ait été analysée par son père aurait eu également comme conséquence d’évacuer la possibilité d’analyser les éléments du pubertaire chez la fille du maître viennois.

A ce sujet, c’est une remarque souvent faîte par les psychanalystes que de souligner le fait que les psychanalystes eux-mêmes ont tendance à garder refoulés les parties les plus importantes de leur propre adolescence ce qui n’irait pas sans conséquence quant au rapport que ces analystes peuvent avoir vis à vis des patients adolescents qu’ils rencontreront.[10]

Spécificités d’une psychopathologie adolescente ?

Lorsque j’ai abordé cette question de la clinique des pathologies adolescentes, c’était bien évidemment la question de la spécificité de ces pathologies qui m’avait semblé devoir être posée d’emblée.

Qu’est-ce qu’une pathologie adolescente ? Peut-on parler de pathologies spécifiquement adolescentes, ou bien, l’expression désigne-t-elle simplement des pathologies « classiques » que l’on est obligé de nuancer avec certaines spécificités dues à l’adolescence ?

Dans les deux cas, je crois que l’on est obligé de se poser la question de ce que peut être l’adolescence au regard du point de vue psychanalytique, si l’on veut être en mesure d’opérer une distinction quelconque.

Dans son ouvrage, L’adolescent et le psychanalyste, Jean-Jacques Rassial (que nous prendrons dans la suite de cet exposé comme exemple du discours d’inspiration lacanienne sur les recherches autour de l’adolescence dans la psychanalyse) dit par exemple qu’il souhaite aborder cette question sous l’angle des effets que la rencontre des adolescents peut avoir sur la théorie psychanalytique (la bousculer, et la reformuler, en mettant la métapsychologie en crise ?), plutôt que de s’attaquer directement à la construction d’une théorie psychanalytique de l’adolescence. Ce à quoi s’était attaqué Gutton par exemple quasiment au même moment dans son ouvrage sur le pubertaire en 1991, tandis que Rassial écrit le sien en 1990.

La spécificité en tout cas implique donc la question des différences (Mais des différences à quel niveau, et  termes de quoi ? de qualité ? de  quantité ?). Comme le dit Rassial au terme de son livre, « L’adolescence, donc, se signe de symptômes spécifiques ou d’une modification de la symptomatologie. Cela suffirait pour donner consistance au concept d’adolescence dans la psychopathologie. »[11] Mais ce qui l’intéresse également, c’est fonder le concept d’adolescence dans la théorie psychanalytique.

Ainsi on aboutit finalement à se questionner sur les différences entre la métapsychologie que l’on peut construire au sujet de l’enfant (Il est maintenant acquis qu’elle peut être distinguée de celle de l’adulte) et de l’adulte, et la métapsychologie de l’adolescent, ou de l’adolescence.

A partir de cette question de la spécificité, il m’a semblé que la clinique de la psychose au sens large pouvait nous aider à aborder ce qu’il y aurait de spécifique à l’adolescence. Pourquoi ?

Parce qu’il m’a semblé que certaines recherches clinico-théoriques avaient pu mettre en évidence qu’un sujet pouvait commencer à montrer des signes de ce que Gutton a pu nommé « la folie pubertaire ou Œdipe maniaque » avec le paradigme de la folie hystérique, ou Laufer « la cassure du développement »[12], et qui peuvent être proches de certains moments psychotiques, ou de ce que l’on peut observer dans les états limites graves de l’adulte, d’une part sans qu’auparavant dans leur vie, il n’ait été décelé de troubles qui pourraient faire penser à une psychose infantile se déclenchant à l’adolescence (même si cela est parfois difficile à distinguer tant la pathologie peut être sous-estimée ou déniée par les parents eux-mêmes), et d’autre part, en montrant que ces états parfois très graves peuvent avoir malgré tout une issue heureuse qui laissent penser que la structure de ces sujets n’est nullement psychotique.

Si les processus adolescents pouvaient avoir comme effets de précipiter un sujet dans de telles difficultés qu’il devient parfois difficile de distinguer si l’on a affaire au déclenchement d’une psychose infantile latente ou bien à autre chose, il apparaît nécessaire d’essayer de mieux caractériser ces processus, car la réponse que l’on peut essayer d’apporter n’est peut-être pas la même.

« Les métamorphoses de l’adolescence »[13] : qu’est-ce à dire pour ce courant de recherche ?

Freud n’a pas théorisé le processus de l’adolescence tel que nous le concevons aujourd’hui. Mais si l’on suit François Richard, qui tente de confronter approche psychogénétique et structurale pour faire ressortir précisément la spécificité de ce temps non linéaire, Freud développerait une conception de l’adolescence comme « un après-coup d’une séduction vécue dans l’enfance. »[14] L’adolescence serait ainsi le temps privilégié de l’après-coup où « une réécriture de l’histoire […] cherche à rétrojecter dans l’enfance les idéaux de la sexualité adulte ».[15]

Il faut se souvenir que Freud remaniera le troisième essai de ses Trois essais sur la théorie sexuelle, intitulé « Les métamorphoses de la puberté », jusqu’en 1924. Il décrit  d’emblée le primat du génital : « L’avènement de la puberté inaugure les transformations qui doivent mener la vie sexuelle infantile à sa forme normale définitive. La pulsion sexuelle était jusqu’ici essentiellement autoérotique, elle trouve à présent l’objet sexuel. Son activité provenait jusqu’ici de pulsions isolées et de zones érogènes qui, indépendamment les unes des autres, recherchaient comme unique but sexuel un certain plaisir. Maintenant, un nouveau but sexuel est donné, à la réalisation duquel toutes les pulsions partielles collaborent, tandis que les zones érogènes se subordonnent au primat de la zone génitale. »[16]

Mais Freud décrit également « une des réalisations psychiques les plus importantes, mais aussi les plus douloureuses de la période pubertaires : l’affranchissement de l’autorité parentale, grâce auquel seulement est créée l’opposition entre la nouvelle et l’ancienne génération, si importante pour le progrès culturel ».[17]

François Richard peut ainsi proposer une définition du processus d’adolescence, qui nous paraît intéressante, comme : « travail psychique rendu nécessaire par le bouleversement pubertaire qui réactualise le conflit oedipien infantile sur le mode d’un sentiment d’obligation de devenir adulte. L’idéal de normalité adulte impose une conformité à certains égards incompatible avec la ‘perversité polymorphe’ et avec la bisexualité psychique de la sexualité infantile. »[18]

Revenons sur ce que les auteurs disent aujourd’hui à propos des reconfigurations de l’adolescence. Si l’on admet avec Birraux ou encore Gutton que « l’adolescence n’est pas un état mais un ensemble processuel », et que l’on s’inscrit ainsi dans la lecture que ce dernier fait de Freud (et plus précisément du troisième essai des « Trois essais sur la théorie sexuelle ») en posant qu’ « à la puberté survient une métamorphose psychique », il s’agit alors de déplier ce qu’est cette métamorphose psychique et en quoi elle détermine éventuellement des pathologies spécifiques. On se servira ici principalement du concept de pubertaire chez Gutton.

Le pubertaire de Gutton

En effet, pour ce dernier, penser ce concept de pubertaire est si important qu’il peut aller jusqu’à dire « Peut-on être psychanalyste sans une théorie du pubertaire ? Je ne le pense pas. »[19]

« La réalisabilité du coït réactive à cet âge la problématique fondamentale de lutte contre l’inceste. »[20] Cette phrase de Raymon Cahn résume une idée clé pour penser le pubertaire, et son éventuelle folie, chez Gutton. Mais il ne fait pas oublier que si l’adolescent se met à lutter contre l’excitation érotique que peut créer la proximité avec le parent, notamment du sexe opposé, l’agressivité parricidaire en est son corollaire, particulièrement chez les garçons.

Gutton, comme nous l’avons déjà précisé, distingue les processus du pubertaire (les phénomènes psychiques de la puberté) et les processus de l’adolescens (qui sont à mettre en rapport avec les remaniements identificatoires. A ce sujet, Mosès Laufer disait que l’essentiel de la pathologie grave des adolescents était due à une « panne des identifications »).

Cette distinction reprend celle de Freud au sujet d’une part des pulsions soumises au refoulement et d’autre part des pulsions à but inhibé ; ceci correspondant à l’évolution des fonctions identificatoires et de la catégorie de l’idéal.

L’advenue de ces pulsions pubères va créer chez l’encore-enfant un éprouvé originaire de puberté. (Le concept d’originaire est emprunté à Piera Aulagnier). Et c’est là un point central dans sa théorie du pubertaire, mais qui n’est pas des plus aisés à saisir…

Toutefois, pour Gutton, c’est cet éprouvé qui va engendrer le drame de l’adolescence, car c’est à ce moment que l’Œdipe peut être mis à mal. Il y a comme un « réchauffement » du complexe d’Œdipe (C’est évidemment l’idée classique de la reviviscence oedipienne de l’adolescence. La récapitulation des moments de l’Œdipe, mais avec une nouvelle force, celle de la puberté et de l’advenue du génital que Gutton nomme force d’hétérosexualité).

Une lutte va alors s’engager chez l’adolescent pour contrer toute représentation trop incestueuse du fait précisément de la capacité nouvellement acquise de réaliser l’acte sexuel. Ce processus de « réchauffement de l’Œdipe » est à articuler, il me semble, avec le fait que l’infantile est déjà là. Les théories sexuelles infantiles, les fantasmes oedipiens ont été élaborés par le sujet pour répondre à la séduction, dans le sens de Laplanche, et à la pulsion sexuelle. C’est donc à l’aide de ces fantasmes oedipiens que le sujet tente d’interpréter la survenue, vécue comme effraction, de l’instinct pubertaire, l’éprouvé originaire de puberté. Viennent alors au premier plan ce que Gutton nomme les scènes pubertaires.

L’enfant, qui avait auparavant eu affaire à l’adulte séducteur, avait construit ses modalités défensives vis à vis de sa sexualité (il élabore ses théories sexuelles infantiles). Il se trouve à présent aux prises avec un autre type de sexualité, totalement nouveau, qui va bouleverser, ou du moins remettre en question les structures relationnelles dans lesquelles l’enfant était pris.[21] On pense ici principalement aux imagos parentaux.

Gutton attache donc beaucoup d’importance à ces scènes pubertaires. Peut-être à l’instar de Freud qui pouvait dire que pour que l’adulte ait une sexualité à peu près satisfaisante, il eut fallu que l’adolescent qu’il a été, se fut familiarisé avec le fantasme incestueux ; Gutton pose que l’un des buts de la cure de l’adolescent serait de retrouver et d’éprouver ses scènes pubertaires, dont les thèmes centraux sont donc incestueux mais aussi parricides.

Ainsi posé, la question que Gutton formule est : qu’est-ce qui va permettre à l’enfant, ou à l’inverse l’empêcher de remanier, de retravailler ses positions identificatoires ?

Le pubertaire doit pouvoir en effet être élaboré, subjectivé un minimum, pour que les processus adolescents adviennent véritablement. C’est là tout un pan des questions qu’avait soulevé en son temps Evelyne Kestemberg, notamment dans son livre « L’adolescence à vif », et plus particulièrement dans le chapitre « L’identité et l’identification chez les adolescents », où cette dernière met l’accent sur les retrouvailles difficiles et pathogènes avec les fameuses imagos parentales. L’adolescent se retrouve aux prises avec ces dernières, mais dans une relation génitalisée. Et le danger va se trouver dans l’impossibilité qu’il peut rencontrer de transférer l’investissement génital sur un autre objet, et ce, particulièrement si le parent se laisse piéger également par ses propres motions pulsionnelles à tendance incestuelles.

On peut voir ainsi que Gutton ajoute à l’hypothèse classique de l’Œdipe revisité au cours de l’adolescence, une dimension biologique pour qualifier l’instinct pubertaire (en le distinguant à la fois du pulsionnel infantile comme du pulsionnel génital. Ce dernier est ainsi conçu par analogie au  modèle de l’étayage de la pulsion sexuelle sur la pulsion d’auto-conservation : le pulsionnel génital s’étaie sur l’instinct sexuel pubertaire.)

Au cœur de cet instinct pubertaire se loge une pression hétérosexuelle (la puberté ferait taire en quelque sorte la bisexualité psychique de l’infantile. Cette bisexualité résulte selon lui d’une symétrie au niveau des identifications oedipiennes infantiles). Gutton laisse ainsi plus de la place à la « nature », quant à la sexuation et à l’identité sexuelle de l’individu, que d’autres courants psychanalytiques, comme par exemple ceux qui se réfèrent à Lacan.

Une autre question importante, à quel niveau intervient ces métamorphoses de la puberté ? Gutton répond au niveau archaïque, entendu comme le niveau de l’originaire selon Piera Aulagnier. « Le noyau du commencement archaïque est l’éprouvé originaire de complémentarité des organes sexués. »

Remarques sur le pubertaire au regard d’autres approches qui s’inspirent de l’enseignement de Lacan.

La direction que prend Gutton, à essayer de le comprendre, semble s’ancrer dans une réflexion n’excluant pas a priori un fondement biologique, ou tout au moins, un fondement ultime dans le biologique (On pense ici au texte de Ferenczi, « Thalassa », auquel Gutton fait parfois allusion, notamment avec le concept d’anphimixie), par exemple avec le fait qu’il suppose une complémentarité des sexes qui serait contenue dans le programme génétique déclenché à la puberté, c’est à dire, que l’objet partiel, que serait le sexe opposé, « serait déjà là dans le programme de l’instinct. »[22]

Il est vrai qu’il semble que pour Lacan, le sujet continue toute sa vie à avoir affaire à la logique phallique, tandis que pour Gutton, la puberté aurait tendance, mieux, devrait avoir tendance à refouler cette logique au profit d’une dichotomie, d’une déliaison assumée par le sujet du couple pénis-phallus. Le sujet, et ce quelque soit son sexe biologique, pourrait ainsi, selon Gutton, sortir de la référence phallique/castré et aboutir ainsi à la perception de l’existence du sexe féminin. La logique phallique à la puberté deviendrait pour Gutton un obstacle pour le sujet dans sa reconnaissance de l’Autre sexe.

Cette question d’une éventuelle sortie de la bisexualité psychique infantile est en effet une problématique importante, et la rencontre du féminin (titre d’un ouvrage de Serge Lesourd[23] par ailleurs, qui s’inscrit dans le courant de recherche lacanien sur l’adolescence) est même un point pour le moins épineux dans l’histoire de la psychanalyse elle-même. Il faut relire l’un des derniers articles de Freud « Analyse avec fin et l’analyse sans fin» de 1937.

Car on peut trouver d’autres approches, s’inspirant de Lacan, qui par contre, tente d’approcher la spécificité adolescente sans aucune référence biologique. Ainsi, avec Jean-Jacques Rassial, on peut peut-être trouver une option théorique intéressante, (complémentaire par rapport à Gutton qui attache vraisemblablement plus d’importance aux changements « réels », biologiques du corps) qui est le changement de statut et de valeur du corps à l’adolescence.) Si le corps de l’adolescent n’est plus celui d’un enfant, il se rapproche de celui des adultes. Cela met l’adolescent dans une certaine ressemblance avec le parent du même sexe et modifie ainsi tous les rapports sur le plan imaginaire.

Ce corps de l’adolescence n’est certes plus le même. Et c’est pourquoi il y a certainement une remise au travail des identifications primaires, ou un après-coup du stade du miroir[24] si l’on use de la conceptualisation de ce moment apportée par Lacan. Mais, le corps de l’enfant ne change-t-il pas énormément de l’état du nourrisson à celui d’enfant au stade de la latence par exemple ? C’est pourquoi, il ne faut pas oublier, en suivant Rassial, que ce changement est peut-être avant tout logique, c’est à dire « d’une modification de la valeur même du corps », et que cette modification est « signée », pourrait-on dire, par un autre qui « détient le pouvoir de reconnaître en ce corps, un corps génitalement mature, désirable et désirant. »[25]

Pour finir de manière non exhaustive, disons encore que la fin du livre Rassial est un bon exemple des possibilités qu’offre la trinité lacanienne du réel, du symbolique et de l’imaginaire quant à une description de l’adolescence et une tentative d’en saisir la spécificité sur le plan psychanalytique.

Le concept de subjectivation

Au regard de ce travail psychique rendu nécessaire par la puberté, il existe un concept psychanalytique, la subjectivation, sur lequel il peut être intéressant de s’arrêter, car d’une part, son usage s’est d’abord répandu parmi les cliniciens qui travaillent avec les adolescents, et d’autre part, parce qu’il semble offrir un point de vue pertinent, permettant d’articuler une problématique importante durant cette période de changement au niveau identitaire, le devenir-sujet, et ce qui m’intéresse, à savoir les obstacles ou les conditions favorables à l’appropriation des évènements psychiques qui sont liés à l’arrivée de la puberté.

J’ai travaillé ailleurs sur une étape importante dans le processus qui mène les futurs parents à ce que Serge Lebovici nommait la parentalité[26] : le choix du prénom de l’enfant. Je voulais inscrire cette recherche dans le champ plus large de la transmission intergénérationnelle. Pour ce faire, j’ai utilisé un concept chez Freud qui m’a paru particulièrement intéressant, celui d’Idéal du Moi.

Dans cette recherche, j’ai donc considéré le prénom comme une sorte de trace du désir parental inscrit dans ce signifiant particulier qu’est le prénom. Et j’ai posé l’hypothèse que l’Idéal du Moi de chaque parent jouait un rôle dans le choix et l’acte de prénommer. Je pense que cet acte est un des premiers phénomènes dits « de transmission » qui ont lieu dans la famille.

Intéressons-nous à présent aux phénomènes, tout aussi importants, qui leur sont liés, à savoir « les processus de subjectivation ».

Les concepts dits super-egoïques (Idéal du Moi/Moi Idéal/Surmoi) sont des instances qui participent amplement à ces phénomènes de transmission mais également aux processus de subjectivation. Philippe Gutton écrit par exemple au sujet des impasses des processus de subjectivation : « L’Idéal du Moi est le pivot du processus de subjectivation »[27]

Dans les textes sur le narcissisme, j’ai cherché à comprendre comment l’Idéal du Moi pouvait se construire, en optant pour le point de vue psychogénétique qui semble primer dans les textes de Freud. Cependant, même si cette distinction Idéal du Moi/Moi Idéal[28] n’apparaît pas de façon conceptuelle chez Freud, elle est très utile, et particulièrement quant au sujet des problématiques adolescentes si on lit certains auteurs comme Bernard Penot[29], ou encore François Richard : « On gagne, me semble-t-il, à resituer la problématique du développement par rapport à l’ensemble moi idéal/idéal du moi/surmoi. La subjectivation correspondrait au passage d’une prédominance du moi idéal (de l’omnipotence narcissique) à son effacement au profit d’un idéal du moi de plus en plus impersonnel et surmoïque. »[30]

Les idéaux et l’adolescence

Dans le roman familial du névrosé, Freud propose un idéal dans le développement de l’individu : « se détacher de l’autorité de ses parents »[31]. Et il ajoutait que la caractéristique principale du névrosé, c’est que ce dernier a échoué dans cette tâche. Mais plus précisément, et avant cette étape, Freud évoquait ce « souhait le plus intense et le plus lourd de conséquences, c’est le « devenir grand comme père et mère »[32]. Nous pourrions dire que les parents s’imposent de l’extérieur comme des objets sur lesquels la libido sera déplacée, du narcissisme vers ces objets tenant la place d’Idéal du Moi de l’enfant, pour faire le lien avec le futur texte de 1914, Pour introduire le narcissisme[33]. D’autre part, loin de vouloir simplement remplacer les parents, ou plus précisément le père[34], c’est l’idéalisation de ce dernier qui est bien souvent à l’œuvre dans ce roman familial, et qui peut se retrouver dans les problématiques d’adolescents aux prises avec une figure paternelle idéale « à la fois interdictrice et permissive, douée de toutes les qualités. Cette figure, apte à pallier les manques symboliques ou réel, n’existe pas, bien entendu, mais on a besoin d’y croire.»[35]

Freud s’est également attardé sur le processus d’idéalisation lors de l’introduction du narcissisme, pour le distinguer de la sublimation. Il expliquait que tandis que cette dernière porte sur la libido d’objet et que son objectif est de faire changer de but la pulsion (Toute la difficulté de la sublimation est bien d’échanger le but sexuel originaire contre un autre but qui ne soit plus sexuel[36]) l’idéalisation concerne principalement l’objet et que « celui-ci est agrandi et exalté psychiquement sans que sa nature soit changée. »[37]

Il me semble que la clinique de l’adolescence permet de saisir à quel point l’idéalisation du Moi ou de l’objet, peut venir constituer un obstacle, une défense radicale contre la possibilité de se (re)saisir des aptitudes sublimatoires que les jeunes auront déjà pu développer dans les étapes précédentes de leur développement. C’est en effet un âge où l’adolescent peut être en difficulté face à cette nécessaire désidéalisation des figures  parentales et tutélaires que Freud a décrite. La tentation peut être alors de déplacer les idéaux vers des objets idolâtrés puisés dans la culture marchande dont ils sont la proie toute désignée, ou de tout désidéaliser brutalement en un mouvement de déception massif, et de sombrer finalement dans un état dépressif.

Retour sur la subjectivation en forme de conclusion

La spécificité de l’adolescence, ou sa mise en question, nous a donc semblé intéressante car elle peut nous aider, entres autres choses, à nous interroger sur le concept de sujet, sur les conditions de sa mise en place, les processus qui sous-tendent cette mise en place, et peut-être les pathologies qui découlent des impasses de ces processus. Ce concept de subjectivation répondrait par là à une possible description de ce genre d’observations en empruntant le vocabulaire théorique de la structure tout en restant dans la possibilité d’un certain développement, d’une certaine croissance psychique, qui ne seraient pas pensés en termes de tout ou rien, caractéristiques de la logique de la structure.

Comme le souligne justement Richard[38], « l’accent mis ces dernières années sur la subjectivation au cours du processus d’adolescence, me semble correspondre à une opération d’importation de la distinction lacanienne entre un Moi trop imaginaire et un sujet mieux inséré dans l’ordre symbolique. Mais il y a autant transformation qu’importation puisque c’est la conception lacanienne qui est alors influencée par un point de vue différent [celui d’une subjectivation évolutive qui ne serait pas totalement définie par une structure]. »

En relisant « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien »[39] on sent effectivement bien cette tension entre une logique de la structure qui déterminerait et désir et sujet, comme effets de structure, et une logique de l’histoire des aléas des traumatismes. Peut-être est-ce une bonne partie de l’histoire de la psychanalyse qui pourrait être regardée au travers du prisme de cette tension entre explication par l’histoire développementale, psychosexualité et stades libidinaux, et explication par la logique de la structure. Et c’est bien entendu la psychose qui porte le débat à son intensité maximum. (Quoique maintenant, cela pourrait être les états limites ?).

Nous avons déjà dit qu’à partir des travaux de Raymond Cahn, (notamment, Adolescence et folie), la notion de subjectivation va être de plus en plus utilisée pour aborder tout d’abord la question de la psychose à l’adolescence (et celle des adultes limites), et plus généralement, celle de la description des processus à l’œuvre dans un travail psychothérapeutique avec un adolescent (ou un adulte).

Un chapitre s’intitule « Les impasses de la subjectivation ». Cahn préfère ainsi parler d’empêchement de la subjectivation et de pathologie de la subjectivation, plutôt que de parler des pathologies de l’individuation, « évoquant la seule problématique de la séparation à partir des schémas mahlériens ». Ce serait ainsi contre une approche trop développementale du type de celle de Peter Blos qui définit l’adolescence comme le temps du second processus de séparation/individuation que Cahn avance le concept de subjectivation, et que les auteurs l’ont reprise après lui.

Ce qui est enfin frappant c’est finalement que ces auteurs peuvent quasiment être distingués les uns des autres suivant leur référence à un concept de sujet[40], où à une extrémité, il est identique au Moi, et à l’autre, il lui est presque antinomique (reprenant par là bien évidemment la distinction entre imaginaire et symbolique chez Lacan). Richard, suivant Green, proposerait avec d’autres, une sorte de voie médiane avec l’idée d’une fonction Moi-Sujet. Nous nous représentons ainsi la subjectivation comme une fonction, définie en termes de processus, qui possèderait une finalité, que l’on pourrait décrire comme une sorte d’objectif inatteignable, une asymptote. Cette finalité étant un concept si chargé philosophiquement qu’il est difficile de ne pas se situer par rapport à ce qui a pu être dit, non sans risque.[41]

Ce risque serait de faire du concept de subjectivation, de l’appropriation subjective, de cette opération de transformation, quelque chose qui finirait par ressembler à cette idée classique de l’ego-psychology de consolidation d’un Moi, de meilleure intégration d’un Moi. Alors que précisément après Lacan, il est devenu difficile de soutenir ce point de vue.

Une solution pour la subjectivation chez les adolescents : la sublimation en situation de groupe ?

Pour terminer examinons cette quatrième forme de destin possible pour la pulsion[42] qu’est la sublimation, « car c’est un fait qu’elle contribue de façon majeure à assurer aux sujets des deux sexes une capacité accrue de jouissance et d’accomplissement libidinal, en même temps qu’elle satisfait durablement quelque chose du côté de l’idéal du moi. »[43]

C’est également un concept qui apparaît à la charnière des deux dimensions que sont la vie pulsionnelle et la vie collective, qui va exiger son lot de renonciations individuelles.

Dans cette perspective, j’aimerais examiner ici les liens que la sublimation entretient avec le masochisme. Car en effet, si la sublimation permet d’éviter le refoulement et la répression, mais également d’obtenir une satisfaction sans la décharge pulsionnelle, alors la jouissance qu’elle permet s’inscrit sur le fond d’une tension à érotiser, donc a priori connotée masochiquement.

Dans la perspective d’examiner ce qui pourrait favoriser l’accès à des réalisations sublimatoires chez les adolescents il faudrait explorer théoriquement le travail que l’on peut faire autour d’atelier à médiation culturelle ou artistique.

Didier Chaulet et Jean-Edouard Prost[44] posent par exemple que la situation de mise en groupe des adolescents peut permettre de négocier deux types de mouvements transférentiels comme le refus mutique et la contestation face à un thérapeute placé dans le camp des parents et détenteur du savoir, ou encore l’adhésion immédiate exprimée par une demande massive plaçant cette fois le thérapeute à la  place du copain ou du double prêt à lui révéler son identité. La situation de mise en groupe comme tentative de dilution de la pression transférentielle. Et à ce sujet Marcelli postule que « le groupe thérapeutique correspond aux besoins pulsionnels et aux défenses caractéristiques de cet âge. Le groupe donne à l’adolescent à la fois une protection, une possibilité de régression, mais aussi un étayage identificatoire de transition. »[45]

Le travail reste à effectuer …


[1] Citons par exemple le recueil d’articles de Pierre Mâle, La crise juvénile , 1982.

[2] Peut-être que l’adolescence excite d’autant plus les psychanalystes qui acceptent les remises au travail de leur propres identifications ? D’où une autre question qui nous vient : est-ce une spécificité de l’adolescence, ou bien une spécificité du psychanalyste devant l’adolescent ?

[3] Patrick Delaroche, Psychanalyse de l’adolescent, Armand Colin, 2005, p.6 à 9.

[4] http://www.linternaute.com/sante/psychologie/interviews/07/0702-ado-jeammet/1.shtml

[5] Florian Houssier, « La puberté psychique : premières esquisses », in Le tourment adolescent.

[6] Annie Birraux, « De la crise au processus », in « L’adolescence dans l’histoire de la psychanalyse » sous la direction de François Marty, 2003.

[7] Idem, p.241.

[8] Raymond Cahn pense justement que c’est la psychose à l’adolescence qui indiquerait les apories des conceptions théoriques des psychanalystes concernant la psychopathologie des adolescents.

[9] Voir « Une création à l’Université : l’unité de recherches Adolescence » de Philippe Gutton in Recherche en psychanalyse, 2004, n°1. Jean Laplanche répondant à la proposition de Gutton concernant la création d’un laboratoire sur l’adolescence en 1982 : « Me voyez-vous faire un laboratoire sur la sublimation ? ». La création de la revue « Adolescence » date de cette même année. On peut aller plus loin avec l’ouvrage « L’adolescence dans l’histoire de la psychanalyse » sous la direction de F. Marty, notamment avec les contributions d’Annie Birraux (« De la crise au processus ») et de Philippe Gutton (« L’école française de psychanalyse de l’adolescent »). Et sur ce même point, on peut également se référer au très bon livre dirigé par Philippe Givre et Anne Tassel « Le tourment adolescent ».

[10] E. Kestemberg dans « Identité et identification » par exemple : « Il est compréhensible donc que s’il existe chez les adultes un tel refoulement à l’endroit de leur propre adolescence, refoulement qui témoigne sans doute de l’existence d’une angoisse sous-jacente mal jugulée, ils risquent d’avoir vis à vis des adolescents des attitudes contre-transférentielles déterminées par cette angoisse même. » p. 67-68 ; ou encore Octave Mannoni « L’adolescence est-elle analysable » in « La crise d’adolescence » Gibello, Mannoni : « Celui qui a condamné sa propre crise d’adolescence, ou qui en a honte, peut être gêné, s’il devient analyste, devant la crise d’adolescence de son patient. » p.28). Cette remarque sur les contre-attitudes provoquées du côté du thérapeute, mais encore du côté des parents, est également reprise par Gutton pour qui la venue du pubertaire des adolescents n’est pas sans provoquer moult remous chez leurs parents (crises conjugales, dépression, etc …).

[11] Jean-Jacques Rassial, L’adolescent et le psychanalyste, p.197

[12] M. et E. Laufer, Adolescence et rupture du développement. Une perspective psychanalytique, 1983, 1989 pour la traduction française.

[13] Pour reprendre le titre du troisième essai de Freud « Trois essais sur la théorie sexuelle ».

[14] François Richard, « Freud : un ‘processus primaire posthume’ », in Le tourment adolescent, p. 84.

[15] François Richard, « Freud : un ‘processus primaire posthume’ », in Le tourment adolescent, p. 102.

[16] Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, Folio Essai, 1987, p.143.

[17] Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, Folio Essai, 1987, p.171.

[18] François Richard, Le processus de subjectivation à l’adolescence, Dunod, 2001, p. 7.

[19] Philippe Gutton, « La trace pubertaire », in Le pubertaire savant, monographie de la revue Adolescence, 2008, p. 52.

[20] Raymond Cahn, « Adolescence et folie », p.34.

[21] Gutton s’inspire ici largement de Jean Laplanche quant à la sexualité infantile. Par exemple, Laplanche dans « Pulsion et instinct », in Adolescence, 2000, n°18, s’attache à montrer les différences entre ces deux notions qui, en psychanalyse, ont tendance à brouiller les cartes. Si l’instinct d’auto-conservation existe chez l’homme, comme chez les mammifères chez qui il est particulièrement bien mis en évidence, les phénomènes qui peuvent s’y rattacher sont bien vite recouverts par ce qu’il y a de plus spécifiquement humain à savoir, pour Laplanche, la séduction et la réciprocité narcissique. Le sexuel pulsionnel (infantile), occupe bien pour la psychanalyse la place décisive dans les phénomènes humains. Il est, pour Laplanche, d’origine intersubjective, comme implanté au cours des relations de soins donnés par un adulte sur un enfant. Cet adulte possède un inconscient façonné de sexualité infantile. Le troisième temps de la sexualité, à savoir pour Laplanche, le développement de l’instinct sexuel, c’est à dire l’instinct pubertaire et adulte, la mise en place du génital à la puberté, se heurte donc à un obstacle qui est le fait qu’il « trouve la place occupée par la pulsion infantile ».

[22] Philippe Gutton, « Esquisse d’une théorie de la génitalité » in « Le pubertaire savant, monographie de la revue Adolescence », 2008.

[23] Serge Lesourd, Adolescences… Rencontre du féminin, Erès poche, 2009.

[24] Le chapitre « l’adolescence, après-coup du stade du miroir » nous semble à cet égard particulièrement intéressant comme autre éclairage quant à la question des identifications que peut apporter ce courant d’inspiration lacanienne.

[25] Jean-Jacques Rassial, L’adolescent et le psychanalyste, p.18 En suivant Laplanche, et en lisant Rassial, on peut saisir autrement la spécificité du rapport du sujet à la sexualité à la puberté : quand le sujet adolescent quitte cette période où sa sexualité dite infantile est advenue dans la rencontre avec un Autre qui l’a séduit d’une manière ou d’une autre, il entre dans une période où, cette première sexualité infantile est bien toujours présente et agissante, mais où une autre sexualité, instinctuelle cette fois, s’y mêle. Cet Autre séducteur devient alors le corps même de l’adolescent.

D’où le titre de l’article de Philippe Jeammet « Etre adulte ou comment apprendre à gérer la place de l’infantile » in Adolescence, 2000, n°18).

[26] « Avoir un enfant ne signifie pas qu’on en est le parent : le chemin qui mène à la parentalité suppose qu’on ait “co-construit” avec son enfant et les grands-parents de ce dernier un “arbre de vie” qui témoigne de la transmission intergénérationnelle et de l’existence d’un double processus de parentalisation-filiation grâce auquel les parents peuvent devenir père et mère. » disait par exemple Serge Lebovici, dans sa Présentation de L’école de la parentalité, conférence de presse vidéo-filmée par Starfilm, mars 1999, Paris.

[27] Philippe Gutton, Dieu, l’adolescent et le psychanalyste, L’Harmattan, 1998, p. 251

[28] On peut considérer avec Lagache que les aspects moraux, d’obéissance à la loi sociale, d’autorité morale, appartiennent plutôt au registre de l’Idéal du Moi, et que les idées de grandeur, mégalomaniaques, de toute-puissance, de prestige ou de gloire, sont en revanche du registre du Moi Idéal. Et relever également ce qu’en dit Lacan dans ses remarques sur le rapport de Lagache : « (…) dans la relation du sujet à l’autre de l’autorité, l’Idéal du Moi, suivant la loi de plaire, mène le sujet à se déplaire au gré du commandement ; le Moi Idéal, au risque de déplaire, ne triomphe qu’à plaire en dépit du commandement ».

[29] Bernard Penot, « Réprimer, idéaliser, sublimer », in Revue Française de Psychanalyse, 2001, vol. 65.

[30] François Richard, Le processus de subjectivation à l’adolescence, Dunod, 2001, p. 11.

[31] Sigmund Freud, « Le roman familial des névrosés », in Œuvres complètes, tome VIII, PUF, 2007, p. 253.

[32] Ibid., p. 253

[33] Freud écrit en effet dans ce texte que « Le développement du moi consiste à s’éloigner du narcissisme primaire, et engendre une aspiration intense à recouvrer ce narcissisme. Cet éloignement se produit par le moyen du déplacement de la libido sur un idéal du moi imposé de l’extérieur, la satisfaction par l’accomplissement de cet idéal. »[33]

[34] En effet, face à l’insatisfaction de certaines situations où l’enfant se sent mis à l’écart par ses parents, où il se sent ne plus être le centre unique de leur attention, ou en d’autres termes, il pense que son amour n’est pas pleinement reconnu et réciproque, il se met à fantasmer qu’il y a des parents ailleurs qui sont sans aucun doute meilleurs et donc qu’en définitive, il ne peut être qu’ « un enfant d’un autre lit ou un enfant adopté ». L’enfant met alors en place une activité de fantaisie, une rêverie diurne dont la fonction est « d’accomplir des souhaits, corriger la vie, et qu’ils ont principalement deux buts, érotiques et ambitieux ». Ces fantasmes vont alors se structurer à ce moment en ce que Freud va appeler « le roman familial des névrosés ».

[35] Patrick Delaroche, Psychanalyse de l’adolescent, Armand Colin, 2005, p. 118 et 119.

[36] Il faut noter que si Freud donne cette définition en 1908 dans La morale sexuelle « culturelle » et la nervosité moderne, il ajoutera plus tard, en 1932, dans sa Suite aux leçons d’introduction de la psychanalyse que la sublimation consisterait à la fois en un changement de but, mais également en un changement d’objet à valeur sociale plus élevée. Aussi, la distinction qu’il fait dans Pour introduire le narcissisme entre sublimation et idéalisation serait à reprendre pour être affinée avec sa dernière définition de la sublimation.

[37] Sigmund Freud, « Pour introduire le narcissisme », in Œuvres complètes, tome XII, PUF, 2005, p. 237.

[38] François Richard, « Lacan import-export », in Adolescence, 2000, n°18.

[39] Jacques Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien », in Ecrits 2, Seuil.

[40] Car qui emploie ce concept de subjectivation, ne peut se passer d’une référence au concept de sujet. Freud a toujours dédaigné à employer ce concept de Sujet, trop empreint de philosophie métaphysique. Une des rares occurrences significatives où il l’emploie se trouve dans « Psychologie des masses et analyse du Moi » où il explique la différence entre l’identification au père et le choix du père comme objet : « Dans le premier cas le père est ce qu’on voudrait être, dans le second ce qu’on voudrait avoir. »

[41] On retrouve par là les réflexions de Lacan sur le fait que le sujet ne serait qu’une hypothèse pour le psychanalyste.

[42] Freud propose effectivement quatre destins à la pulsion dans son texte de 1915, Pulsions et destins de pulsion : le renversement de la pulsion dans le contraire (le sadisme devenant le masochisme ; le voyeurisme l’exhibitionnisme), le retournement sur la personne propre, le refoulement et la sublimation.

[43] Bernard Penot, « Réprimer, idéaliser, sublimer », in Revue Française de Psychanalyse, 2001, vol. 65, p. 6.

[44] Didier Chaulet et Jean-Edouard Prost, « Un groupe de parole pour adolescents », in Enfances & Psy, 2002, no19.

[45] Daniel Marcelli, « Un père, pairs et passe », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, 1999, n°31.

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6 réponses à “Psychanalyse et adolescence”

  1. #1. Maïlys le 4 mai 2011 à 17 h 33 min

    Un article très complet qui m’a renseignée sur de nombreux points qui restaient flous, merci !

  2. #2. admin le 4 mai 2011 à 20 h 17 min

    Voilà qui me ravit !
    VLC.

  3. #3. mboumba jonas le 20 juin 2011 à 15 h 30 min

    je trouve votre travail vraiment abouti .Il me plairait d’y apporter une contribution .
    Il me semble que « psychanalyse et adolescent » réactive une problématique importante , celui de la problématique œdipienne et d’autre part celui l’individuation aussi psychologique que social.

    En outre , il me semble que tout les points depuis la vie sexuelle de l’enfant en interrogeant la question de la maturation sexuelle , la question pubertaire par GUTTON ont interrogé avec clarté le concept d’adolescence.
    je suis gré de votre sympathie

  4. #4. admin le 20 juin 2011 à 15 h 43 min

    Quant à moi, je vous suis reconnaissant pour votre lecture.
    VLC.

  5. #5. JY GALAN le 17 mars 2012 à 8 h 38 min

    Merci pour cet exposé conceptuel à la fois très riche et très clair

  6. #6. SQ soufiane le 5 novembre 2012 à 11 h 56 min

    Merci pour cet exposé , très riche et clair .

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