Deux notions pour aborder les jeux vidéo : le gameplay et le genre

Deux notions pour aborder cet objet

Le gameplay

La notion de gameplay est particulièrement difficile à définir. Elle est même un peu insaisissable. Et pourtant, c’est la notion clef, utilisée de manière instinctive par les joueurs et les concepteurs ou encore les journalistes, qui permet de parler du critère de ce qu’est un bon jeu vidéo. Ici il y a un lien direct et évident avec ce que les psychanalystes connaissent bien, c’est l’utilisation chez Winnicott des distinctions que l’on peut faire avec les termes game et play en anglais. Dans Jeu et Réalité[1], Winnicott utilise cette distinction, qui n’existe qu’en anglais, entre le game qui est l’aspect organisé du jeu, comportant des règles bien définies pour remporter la victoire, et le play, qui est le jeu libre, création de l’enfant par exemple. C’est la différence entre le fait de jouer à un jeu et le fait de jouer avec un objet, à laquelle a affaire tout thérapeute d’enfants. Et c’est justement cette tension dans un jeu vidéo entre ces deux pôles, c’est-à-dire entre toutes les règles mises en place, les contraintes imposées par les aspects techniques et logiciels (le scénario du jeu, les modalités d’action du personnage, etc…), et la liberté laissée au joueur dans l’univers du jeu, qui peut d’ailleurs devenir un peu effrayante, qui va constituer selon nous l’essence du gameplay. Ainsi, s’il y a trop de contraintes, trop de difficultés ou d’obstacles à la progression, le jeu perd en général de son intérêt. Et s’il n’y aucune règle, il est difficile de jouer, et d’y trouver un but. C’est donc à la fois l’équilibre de cette boucle informationnelle homme-machine et le plaisir qui s’en dégage qui sont visés au travers de cette notion.

Le genre

Comme dans l’industrie d’Hollywood, le genre s’est développé dans les jeux vidéo en fonction des concepteurs et des joueurs, et forme une sorte de contrat entre l’industrie et les consommateurs, ce qui permet d’identifier rapidement un jeu en le classant dans une catégorie existante. Tout comme dans le cinéma, les genres se créent à partir d’un film, ou d’un jeu, qui va faire date, et engendrer finalement des game-like (jeux quasi-identiques), en intégrant des caractéristiques d’autres genres pour finalement en créer d’autres, et ainsi de suite. Plutôt que de constituer une typologie, nous pourrions considérer cela comme un exemple de ce que Wittgenstein appelait les « airs de familles » dans ses Recherches Philosophiques[2]. C’est à dire que selon lui, ce qui permet de rassembler différents jeux (Wittgenstein fait ici référence à sa notion jeux de langage, mais l’homonymie est intéressante…) sous une même appellation, ce n’est pas la possibilité d’avoir une caractéristique commune, c’est plutôt la possibilité de passer d’un jeu à un autre d’une manière continue, pour autant qu’une caractéristique A soit commune au premier et au deuxième jeu, qu’une caractéristique B soit commune au deuxième et au troisième et ainsi de suite.

Cependant, concernant les jeux, et contrairement aux films (encore que cela mériterait discussion), nous pourrions ajouter qu’ils se sont constitués également en fonction des avancées techniques des supports que sont les bornes d’arcade, les consoles de jeux et les PCs. Ainsi, il existe aujourd’hui une multitudes de genres et sous-genres tels que les jeux de plate-forme (initié par Donkey Kong[3], puis Mario Bros.), l’un des premiers genres, les jeux d’action tels que les beat them all (un personnage se bat généralement à mains nues contre des ennemis), les shoot them all (un vaisseau spatial contre d’autres vaisseaux spatiaux), ou encore les First Person Shooter (les FPS dont la série des Doom[4] fut une des représentantes les plus célèbres), les jeux d’aventure et de rôle, les jeux de simulation de course, de sport, ou encore les MMORPG…

Ces deux notions, gameplay et genre, nous semblent importantes par leurs aspects introductifs à cet objet vidéoludique. Dans la mesure où il est nécessaire de pouvoir distinguer les différentes pratiques de jeu vidéo, car elles ne renvoient pas à la même réalité clinique, nous pensons donc qu’elles peuvent contribuer à affiner une réflexion clinique.


[1] D. W. Winnicott, Jeu et réalité, Edition Gallimard, 1975.

[2] L. Wittgenstein, Recherches philosophiques, Gallimard, 2004. Wittgenstein débute sa réflexion à propos des jeux dans les paragraphes 66 et 67, p.64 et 65.

[3] Jeu vidéo créé par Nintendo en 1981, l’un des tout premiers jeux de plate-forme. Le succès de Donkey Kong fut tel qu’il en fit une référence de la culture américaine.

[4] Doom est devenue une franchise de jeu vidéo détenue par l’éditeur de jeu id Software. Le premier de la série est sorti en 1993. C’est « l’un des titres majeurs qui ont lancé ce type de jeu vidéo. Il est reconnu comme étant le pionnier des graphismes en trois dimensions immersifs, du jeu multijoueur en réseau, et d’avoir permis aux joueurs de créer leurs propres contenus. » source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Doom_(jeu_vid%C3%A9o)

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