Au revoir tristesses ! Psychanalyse des dépressions et des mélancolies individuelles et collectives

16ème colloque de l’ALEPH

Au revoir tristesses !

Psychanalyse des dépressions et des mélancolies individuelles et collectives


Bulletin d’inscription et programme

le samedi 28 mars 2015, à Lille.

9h15 – 11h00 : Président de séance : Pascal Lech’Vien, psychologue et psychanalyste à Rennes

Discutants : Dr Emmanuel Fleury, psychiatre et psychanalyste à Lille, Jean-Claude Duhamel, psychologue et psychanalyste à Lens et à Liévin

Hommage à Elsa Cayat

Isabelle Baldet, psychanalyste à Lille, présidente de l’ALEPH

Hommage à Elsa Cayat, psychanalyste assassinée le 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo, à travers la lecture de ses textes

La violence de la mélancolie selon David Foster Wallace

Franz Kaltenbeck, psychanalyste à Lille et Paris, rédacteur en chef de la revue Savoirs et clinique

Infinite Jest (1996) (Plaisanterie infinie) et Le Roi Pâle (2011, traduction française 2012), ces deux grands romans de l’écrivain américain David Foster Wallace, témoignent de sa lutte acharnée contre la dépression mélancolique. En les écrivant, il nous a livré des aperçus éclairants sur la maladie mystérieuse qui l’a cependant poussé, comme tant d’autres poètes, au suicide : l’impossible remède contre la douleur d’exister ; l’action dévastatrice sur son enfant d’une mère anéantie par un trauma ; l’hémorragie de la libido accompagnant la fuite des capitaux s’écoulant par le trou de la dette de l’État ; la désintégration de l’image du corps à cause des ravages d’une jouissance toxique (drogue, alcool et autres addictions, substances prises pour combattre la souffrance).

« Aucun mot ne peut décrire cette tragédie! » :

le cas d’Adam Lanza, tueur « d’école »

Manya Steinkoler, professor in the English department at Borough of Manhattan Community College, New York

Depuis 20 ans, les massacres dans les écoles sont devenus de fait une nouvelle catégorie du meurtre de masse aux USA : « La tuerie d’école, c’est le nouveau meurtre en série », écrit même un journaliste, tandis que fleurissent sur le web les « fan-sites » pour adolescents qui élèvent les school shooters au statut de héros.

La psychanalyse peut nous aider à comprendre ces crimes apparemment immotivés, pas seulement en invoquant la psychose – qui est souvent une explication insuffisante – mais aussi grâce à sa théorie de l’acte. L’acte peut en effet s’appuyer sur l’identification à la masse d’un sujet acéphale, rendue aujourd’hui possible par la technologie. Un tel acte nous choque d’une manière inimaginable parce qu’il détruit le tissu d’identifications auxquelles il nous est nécessaire de croire pour vivre. « La guerre contre le monde » du shooter de Sandy Hook, Adam Lanza, dont le but était de se rebeller contre « le mal absolu » de notre culture, s’avère ainsi un crime de notre temps.

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11h00 – 11h15 : Pause Café

11h15 – 12h45 : Présidente de séance : Dr Brigitte Lemonnier, psychiatre et psychanalyste à Arras, trésorière de l’ALEPH

Discutants : Frédéric Yvan, psychanalyste à Lille, rédacteur en chef adjoint de la revue Savoirs et clinique, Dr Philippe Sastre-Gareau, psychiatre et psychanalyste à Lille

L’inclination à la terreur

Geneviève Morel, psychanalyste à Lille et à Paris, présidente du CP-ALEPH

En 2014, près d’un millier de nos jeunes concitoyens sont partis volontairement en Syrie pour se battre au nom de Dieu, interpelés par une propagande diffusant massivement sur internet des prêches soi-disant religieux entrecoupés de vidéos montrant des meurtres effroyables punissant les « impies ». Ce n’est pas la première fois que de tels mouvements se produisent dans l’histoire. On évoquera, certes dans un tout autre contexte et avec de tout autres buts, les terroristes des années 60-70, notamment en Allemagne (« Fraction armée rouge », dite « Bande à Baader »).

Il ne saurait être question d’atténuer la responsabilité d’actes terroristes en invoquant une quelconque excuse psychiatrique. Cependant, on peut se demander, avec la psychanalyse, ce qui provoque, chez des jeunes gens des deux sexes, ces ruptures brutales, ces décrochages souvent inattendus de leur milieu social, familial, scolaire, religieux, et ce passage immédiat à la violence meurtrière, à leurs yeux justifiée par des idéaux simplistes.

M’appuyant sur un exemple clinique et sur des témoignages, j’interrogerai la force mortifère en jeu dans le terrorisme contemporain avec pour références, notamment, Freud et ses pathologies de l’idéal lorsqu’il se met au service de la pulsion de destruction, Dide et ses idéalistes passionnés tendant à la cruauté, Lacan et sa théorie du terrorisme.

« Vladimir – Ce n’est pas folichon. »

Diane Watteau, artiste, critique d’art, membre de l’AICA, commissaire d’exposition indépendante, agrégée et maître de conférences en arts plastiques, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne

Dans son Manuscrit G de 1895, intitulé précisément « la mélancolie », Freud écrit : « L’affect qui correspond à la mélancolie (dépression) est celui du deuil, c’est-à-dire le regret amer de quelque chose de perdu ». Quand l’artiste Bas Jan Ader ne tombe pas, il fait de ses pleurs une micro performance avant de disparaître vraiment dans les flots d’une mer agitée en bateau, quand Dirk Braeckman noircit et use le monde « noir-clair » (comme le définit Beckett, pour ne pas dire gris) pour le comprimer en une seule image photographique, quand Samuel Beckett rend intarissable une femme pour qu’elle cesse de penser, en fixant dans le noir une bouche qui parle toute seule, c’est Not I ! NOT I – Pas JE. On a bien envie de les supplier, ces artistes, de dire n’importe quoi pour en finir avec cette paralysie mélancolique ou de leur demander de se taire complètement. Si ça s’égrène en bribes et par sursauts, quand Patricia & Marie-France Martin performent autour de Patrick – un pauvre type, matrice, « patrice » de leurs conférences performées – c’est pour parler encore et encore de l’amour qui se voit voir, avant d’aller se faire voir ailleurs : pour aller voir le voile de l’humour cocasse qui se cache derrière le tragique d’une chute de tension dépressive.

12h45 – 14h45 : Pause Déjeuner

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14h45 – 16h15 : Présidente de séance : Lucile Charliac, psychanalyste à Paris, rédactrice en chef adjointe de la revue Savoirs et clinique

Discutants : Dr Éric Le Toullec, psychiatre et psychanalyste à Toulouse, Sylvie Boudailliez, psychologue et psychanalyste à Lille et à Roubaix

La voix noire

Bernad Baas, agrégé de l’Université, docteur en philosophie, professeur de philosophie en classes de Lettres supérieures et de Première supérieure au Lycée Fustel de Coulanges

On parle bien de la « voix blanche » de l’effroi ou de l’angoisse; pourquoi pas la « voix noire » de la mélancolie ? À partir d’un examen critique des thèses phénoménologiques, il s’agira d’interroger le lien entre la temporalité et la voix dans la mélancolie.

« Mishima sous le soleil »

Daisuké Fukuda, Docteur en psychanalyse de l’Université de Paris VIII, maître de conférences à l’université Aoyama Gakuin (Tokyo)

L’objet de mon intervention consistera à éclairer le geste énigmatique d’une femme mise en scène par Mishima Yukio (1925-1970) dans une de ses pièces de théâtre intitulée Madame de Sade (1965). Mishima a rédigé cette pièce en réfléchissant à sa position subjective devant le choix forcé « la liberté ou la mort ». Ou bien l’homme de sable s’engage politiquement sous un régime fragilisé et préfère la belle image de la mort sur le champ de bataille, ou bien l’homme de lettres se retire politiquement et meurt dans la raideur de la vieillesse. Je tâcherai d’éclairer la passion de l’ignorance de Mishima, considérée comme l’envers de sa lucidité toujours transparente à lui-même. Cela nous permettra d’élucider, ne serait-ce que partiellement et indirectement, les événements qui nous ont touchés tout récemment.

16h15 – 16h30 : Pause Café

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16h30 – 18h00 : Président de séance : Vincent Le Corre, psychologue et psychanalyste à Paris

Discutants : Aline Bourjot, psychologue à Lille et à Lambersart, Antoine Verstraet, psychologue et psychanalyste à Lille

Hackerspaces, fablabs, tiers-lieux, et autres hétérotopies : réenchanter le monde ?

Bénédicte Vidaillet, psychanalyste à Lille, professeure à l’Université Paris Est Créteil (Paris 12)

Le monde du travail semble irrépressiblement associé aux signifiants « dépression », « risque », « épuisement » ; le monde social à la « perte de liens », à « l’individualisme » ; le monde économique à la désespérante « dette », au « manque de croissance », à la « hausse du chômage ». Bref, l’espoir d’en finir avec la morosité ambiante n’a jamais paru si chimérique ! Pourtant, depuis quelques années, dans une relative discrétion, s’expérimentent de nouveaux lieux, qui revendiquent en toute modestie de réinventer tout à la fois le travail, la société et l’économie, en promouvant la mise en œuvre concrète de valeurs qu’on croyait définitivement enterrées au nom du réalisme et du TINA principe (There Is No Alternative) : collaboration plutôt que concurrence ; partage, gratuité et bien commun plutôt que marché et propriété ; plaisir et passion plutôt que labeur ; expérimentation et chemin parcouru plutôt que résultats ; émancipation et décentralisation plutôt que pouvoir et hiérarchie ; démocratie directe plutôt que représentative. On pourrait s’en amuser, prédire à ces prétentieux, ces inconscients, ces « nouveaux socialistes », un destin similaire à celui de leurs lointains ancêtres qui, au 19ème siècle, promouvaient les vertus du mutualisme et de l’associationnisme. Pourtant, la rapidité avec laquelle ces lieux se sont développés – qu’ils s’appellent fablabs, hackerspaces, tiers-lieux, techshops, etc. – en très peu de temps (moins de dix ans) dans le monde entier (on en recense des milliers répartis notamment en Europe et aux États-Unis), appelle qu’on leur prête une réelle attention. N’est-ce pas de là que l’on pourrait oser un « Adieu, tristesse ! » ?

Et in melancholia ego

Sylvain Masschelier, professeur agrégé de lettres modernes, titulaire du Master 2 lettres, arts, langues et communication et d’un DEA d’analyses littéraires

Il n’est pas indifférent que les Tristes d’Ovide soit l’ouvrage qui suive L’Art d’aimer dont ils sont peut-être le prolongement et la conséquence. L’exil d’Ovide ouvre ainsi une histoire de l’écriture de la mélancolie mais, plus qu’une ouverture anthologique, ce texte continue à nous proposer des voies de recherche sur les liens entre la tristesse, la nostalgie, la mélancolie et l’exil. L’histoire serait elle-même « la tâche de l’exilé » selon Siegfried Kracaeur, l’analyste doit-il en être le secrétaire ? Depuis Aristote, on sait que le créateur – « l’homme de génie » – trouve son Arcadie dans « l’humeur noire » qu’il pratique avec art et parfois humour : la clinique ne démentira pas le rôle essentiel que la création joue dans la tentative de sortie – exilium - de cet état. C’est un exil intérieur, une politique subjective où il n’est pas sûr que les amarres soient larguées, que la dérive ne puisse être abordée sans qu’il soit question pour le sujet ou de se saborder ou de prendre le large.

18h00 : Clôture du colloque par Monique Vanneufville, psychanalyste à La Madeleine, rédactrice en chef adjointe de la revue Savoirs et clinque

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