Narcissisme et adolescence – seconde partie
Développement des idéaux, idéal du développement
Nous avons décrit quelques enjeux du concept de narcissisme et nous avons terminé sur cette arrivée du pubertaire comme remise en question de ce qui s’était mis en place.
Nous allons à présent essayer de poser un autre cadre théorique, plus structural que psychogénétique, et tenter de définir ce que nous pourrions appeler le dispositif narcissique, qui serait la mise en relation des instances du Moi Idéal, de l’Idéal du Moi dans leur rapport avec le phallus, et donc avec la castration. Et c’est ce dispositif que nous interrogerons au regard des processus adolescents.
Moi Idéal et Idéal du Moi
Freud a écrit différemment en deux endroits, une fois dans « Pour introduire le narcissisme »[1] et une fois dans « Le moi et le ça »[2] : l’Ideal-Ich et le IchIdeal traduit en français par Jankélévitch respectivement dans les termes de Moi Idéal et d’Idéal du Moi.
En effet, ce couple de concepts est désormais largement utilisé pour désigner deux formations intrapsychiques différentes. Il semble que le premier psychanalyste qui ait introduit la distinction soit Herman Nunberg.[3] Pour ce dernier, le Surmoi et l’Idéal du Moi sont équivalents, mais le Moi Idéal désigne une formation intrapsychique inconsciente narcissique qu’il distingue des deux autres en ce que ce Moi Idéal ne relève pas de la somme des identifications aux objets aimés.
Mais Nunberg n’est pas le seul. En France, Daniel Lagache a également mis en avant l’intérêt de distinguer le Moi Idéal de l’Idéal du Moi dans son fameux article « La psychanalyse et la structure de la personnalité »[4]. Dans l’avant-dernier chapitre de son étude, « Sur la structure du Surmoi », Lagache cherche à clarifier ce qui peut distinguer les trois concepts Moi Idéal, Surmoi et Idéal du Moi.
La question qu’il pose est donc celle de savoir s’il faut considérer l’unicité de structure de ces trois termes. Lagache reprend l’idée classique de l’Idéal du Moi comme fonction du Surmoi, et il s’inscrit dans la perspective de Nunberg qui opère cette distinction Idéal du Moi/Moi Idéal.
Puis Lagache pose deux problèmes : les rapports entre le Surmoi et l’Idéal du Moi, et ceux entre Idéal du Moi et Moi Idéal. Il utilise « un modèle personnologique », c’est-à-dire qu’il tente de penser les relations entre les instances intra-psychiques sur le modèle d’une introjection, d’une intériorisation des relations entre personnes. Cela lui fait dire par exemple : « Dans le modèle personnologique, le surmoi correspond à l’autorité, et l’idéal du moi à la façon dont le sujet doit se comporter pour répondre à l’attente de l’autorité ; le moi-sujet s’identifie au surmoi, c’est-à-dire à l’autorité, et le moi-objet, lui, apparaît ou non conforme à l’idéal du moi. En d’autres termes, nous comprenons le surmoi et l’idéal du moi comme formant un système qui reproduit, ‘à l’intérieur de la personnalité’, la relation autoritaire parents-enfant. »[5]. Notons que Lacan avait exploré lui-même cette perspective personnologique dans sa thèse[6], même si c’est ce qu’il va critiquer chez Lagache dans un article que nous présenterons plus loin.
Arrêtons-nous maintenant sur la description du Moi Idéal de Lagache. Pour lui, Freud n’a certes pas distingué cette formation du système Surmoi – Idéal du Moi, mais l’utiliser permettrait tout de même de saisir certains faits cliniques de manière pertinente. Lagache utilise donc le concept de Moi Idéal, à l’instar de Nunberg, comme un idéal narcissique de toute-puissance, et l’Idéal du Moi comme le modèle d’autorité, auquel le moi est censé se conformer. Lagache va ensuite décrire les conflits d’identification qui peuvent se produire, par exemple entre l’identification au Moi Idéal et l’identification à l’Idéal du Moi, et réinterprète précisément le conflit oedipien comme « le conflit entre l’identification primaire au père et l’identification secondaire au père, entre le moi idéal et le surmoi – idéal du moi. »[7] Lagache se sert ainsi de cette distinction pour essayer d’affiner l’utilisation du concept de Surmoi dans certaines situations.
Pour conclure sur cet article, retenons l’idée la plus intéressante pour notre sujet, « l’antinomie du moi idéal et du surmoi – idéal du moi, de l’identification narcissique à la toute-puissance et de la soumission à la toute-puissance (…) »[8]. D’un point de vue théorique, la distinction entre Moi Idéal – Idéal du Moi, qui n’existe pas conceptuellement chez Freud, paraît intéressante pour clarifier certains enjeux dans notre problématique. En effet, on peut considérer avec Lagache que les aspects moraux, d’obéissance à la loi sociale, d’autorité morale, appartiennent plutôt au registre de l’Idéal du Moi, et que les idées de grandeur, mégalomaniaques, de toute-puissance, de prestige ou de gloire, sont en revanche du registre du Moi Idéal.
Enfin, nous pensons que Lacan a donné ses lettres de noblesse à la distinction de ces deux instances à l’aide de son modèle construit sur la base d’un schéma optique. Comme nous l’avons écrit plus haut, Lacan va critiquer Lagache et son utilisation du « modèle personnologique » dans un article publié dans ses Ecrits[9] pour présenter ce qu’il entend par la structure du sujet et le processus d’une cure psychanalytique.
Nous n’allons pas étudier en profondeur ici cet article de Lacan, ni ses autres remarques que l’on peut trouver dans son séminaire de 1953-1954, Les écrits techniques de Freud[10]. Mais nous dirons cependant que Lacan, à propos de la distinction Moi Idéal, Idéal du Moi, invite Lagache à se tenir « à distance de l’expérience » et du phénomène, au risque de « se fier à des mirages », autrement dit à être plus « structuraliste »…
Nous retrouvons là notre propre difficulté à utiliser à la fois des modèles théoriques issus d’une pensée développementale et issus d’une pensée plus structurale, qui permettent pourtant de contrebalancer en quelque sorte l’aspect trop normatif qui s’ajoute à tout modèle psychogénétique.
Relevons ce que Lacan dit des deux instances dans une de ses tournures qui ont le mérite d’être plus qu’explicites : « (…) dans la relation du sujet à l’autre de l’autorité, l’Idéal du Moi, suivant la loi de plaire, mène le sujet à se déplaire au gré du commandement ; le Moi Idéal, au risque de déplaire, ne triomphe qu’à plaire en dépit du commandement »[11].
Nous ne présenterons pas non plus le modèle optique[12], mais notons combien il permet de saisir d’une part clairement la distinction du Moi-Idéal et de l’Idéal du Moi, et d’autre part de comprendre une articulation qui nous paraît essentielle, la dimension symbolique face à la dimension imaginaire. En effet, pour que l’illusion du vase inversé se produise, autrement dit pour que le sujet ait accès à l’imaginaire, il faut tout d’abord que l’œil soit situé dans le cône. Mais ce n’est pas tout, cela dépend également de la situation de cet Œil-Sujet dans la dimension symbolique : ce sont les relations de parenté, le nom et le prénom, etc…, comme l’écrit ironiquement Lacan : « (…) la place que l’enfant tient dans la lignée selon la convention des structures de la parenté, le pré-nom parfois qui l’identifie déjà à son grand-père, les cadres de l’état civil et même ce qui y dénotera son sexe, voilà ce qui se soucie fort peu de ce qu’il est en lui-même : qu’il surgisse donc hermaphrodite, un peu pour voir ! »[13]
Relevons enfin la fonction que Lacan attribue à l’Idéal du Moi : « L’idéal du moi commande le jeu de relations d’où dépend toute la relation à autrui. » Dans son modèle optique, Lacan pose en effet que l’inclinaison du miroir qui permet l’illusion narcissique, c’est-à-dire la précipitation de cette image correspondante au Moi Idéal dans laquelle le sujet peut s’aliéner, est commandée par la voix de l’autre, autrement dit par l’Idéal du Moi. « En d’autres termes, c’est la relation symbolique qui définit la position du sujet comme voyant. C’est la parole, la fonction symbolique qui définit le plus ou moins grand degré de perfection, de complétude, d’approximation, de l’imaginaire. »[14]
Afin de mettre en tension le paradigme psychogénétique, nombre d’auteurs parlent d’ailleurs aujourd’hui de subjectivation[15] (« ce passage d’une prédominance du moi idéal (de l’omnipotence narcissique) à son effacement au profit d’un idéal du moi de plus en plus impersonnel et surmoïque »[16]) pour décrire ce mouvement, comme François Richard[17] ou encore Bernard Penot[18] par exemple, afin de sortir de descriptions trop empreintes de déterminismes causaux se référant parfois à un idéal de normalité un peu étroit.
Beaucoup d’adolescents vivent par exemple douloureusement le déficit au niveau de la transmission de l’histoire de leur famille, souvent du côté de leur père, et cela particulièrement lorsque ce dernier est pris lui-même dans des difficultés importantes.
Cette transmission est à situer du côté du symbolique, et elle peut avoir des conséquences dans le rapport structural qu’entretient le Moi Idéal et l’Idéal du Moi, c’est à dire dans la dialectique de subjectivation entre ces deux instances.
Le Moi Idéal peut devenir une sorte de refuge, une représentation grandiose, dont il est difficile de se détacher au profit d’idéaux auxquels il faudrait se conformer et qui seraient de nature « impersonnelle et surmoïque » ;
Le Moi Idéal peut subir une inflation aussi importante que la précarité de la représentation que l’adolescent a de lui-même, et de son identité.
Le phallus et la castration au sein du dispositif « Moi Idéal et Idéal du Moi »
Dans son ouvrage sur le narcissisme[19], Patrick Delaroche propose de rapprocher ce dispositif Moi Idéal – Idéal du Moi de ce que Lacan a apporté avec sa critique de la relation d’objet dans son séminaire en 1956-1957, à savoir l’introduction du phallus comme élément symbolique tiers dans la relation dyadique mère-enfant, ceci afin de subvertir le modèle classique de la relation d’objet fondée sur une complémentarité entre la satisfaction recherchée (ce qui serait la complétude du Moi en somme) et celle que pourrait apporter l’objet (tout ce qui manque, sur le modèle d’une relation mère-enfant parfaite, adéquate, comme on peut le retrouver dans les conceptions des Balint[20] et parfois dans les études sur les interactions précoces). En introduisant le phallus, on peut en effet essayer d’articuler de manière intéressante narcissisme et castration. Delaroche décrit ainsi « l’investissement de l’enfant comme phallus par la mère comme le paradigme de la fusion incestueuse que pourra représenter le Moi Idéal. »[21]
Car il nous semble que Freud a eu peut-être du mal à penser cette sortie du narcissisme tel qu’il le pense dans son étude princeps. Et ce que Lacan apporte[22], à la suite de Freud et son équation pénis=enfant[23], c’est la possibilité de comprendre que la sortie du narcissisme côté enfant, doit se penser avec la mère et la contrainte qui doit s’exercer d’abord sur cette dernière quant à désinvestir progressivement son enfant comme phallus.
Ainsi, selon Delaroche, le Moi Idéal se constituerait durant l’étape où la mère investirait son enfant comme le prolongement d’elle-même, comme la partie d’elle-même qui lui manque et qui serait censée lui apporter toute satisfaction, à savoir le phallus. Puis, le mouvement censé succéder à cette étape, serait le désinvestissement par la mère de cet enfant-phallus, pour en faire un objet séparé d’elle. Se soumettant elle-même à la castration, l’enfant, qui pouvait être pour elle le phallus, pourra désormais chercher à l’avoir.
En suivant Lacan, le petit enfant doit donc abandonner la croyance en la possession du phallus, de son côté, mais également du côté de la mère. Il doit abandonner l’espérance de satisfaire pleinement cette mère en incarnant pour elle le phallus, puis en acceptant le fait qu’elle-même doive chercher ce qui lui manque ailleurs que chez lui. Il est à noter que ce mouvement est par ailleurs décrit chez Freud du côté de l’enfant (chez Freud, c’est un enfant actif, qui tend à désirer de manière active sa mère), c’est à dire que c’est à lui que s’adresserait d’abord le renoncement à la mère, et sur lui que s’exercerait avant tout la castration. Alors que du côté de Lacan (chez Lacan, on a plutôt le modèle d’un enfant séduit par sa mère, pris dans une séduction qui peut s’avérer d’ailleurs particulièrement dangereuse[24]), c’est d’abord la mère qui doit se soumettre à la castration, l’enfant, qui pouvait être pour elle le phallus, doit être désinvesti de cette place.
Avec Delaroche, nous pensons que le Moi Idéal représente bien ce moment où l’enfant est identifié par la mère au phallus qui lui manque. Et que se soumettre à la castration, ce qui se traduit entre autres pour la mère, à aller chercher ce phallus ailleurs que chez son enfant ou dans la relation qu’elle a avec lui, permet alors que s’enclenche chez l’enfant cette dialectique entre le Moi Idéal et l’Idéal du Moi. Cet Idéal du Moi va représenter ce à quoi l’enfant devra désormais se soumettre pour obtenir à nouveau la satisfaction narcissique perdue, ou en devenir d’être perdue, et qui va donc se situer au-dehors de la relation à caractère incestueuse que représente le Moi Idéal. C’est la place du phallus imaginaire, en tant qu’élément symbolique qui bouge, et va permettre la mise en route de la dialectique de la subjectivation.
Nous pensons ainsi que le nécessaire désinvestissement de la mère quant à son enfant peut être entravé, et peut finir par devenir un obstacle à l’enclenchement de la dialectique d’introjection du Moi Idéal et de son effacement au profit d’un Idéal du Moi symbolique et impersonnel.
Ayant fait ce détour par la castration maternelle, interrogeons à présent la castration au regard de la fonction paternelle, autrement dit la mise en place de la métaphore paternelle (substitution du désir de la mère par un signifiant) si l’on se réfère à l’enseignement de Lacan.
Pour ce faire, nous essaierons de distinguer avec lui les différentes dimensions du père (le père imaginaire, le père symbolique et le père réel) et la place de l’autorité comme symbole phallique et opérateur de la castration.
Nous avons vu que le Moi Idéal était une instance imaginaire, et qu’elle peut représenter une position de repli, de défense par rapport à l’impossibilité de se référer à cet Idéal du Moi, symbolique, sur la base d’une autorité paternelle. Rappelons également que ce qui vient fonder l’autorité, c’est le discours de la mère, qui va désigner le père comme porteur de son manque, c’est à dire porteur du phallus qui lui manque. C’est le rapport de la mère à la castration qui est là interrogé.
Au cours de notre étude nous avons déjà dit l’importance à l’adolescence de ce que Kestemberg appelait le rejet des imagos parentales, leur destitution. Une des conséquences de cette destitution est bien évidemment la mise à mal de toute figure pouvant être garante d’une autorité, c’est à dire être porteuse du symbole phallique. C’est pourquoi les réponses des adultes autres que ceux de la famille sont importantes pour les adolescents. Mais cela pousse également ces adolescents à idéaliser, ou même parfois idolâtrer, certains de leurs pairs auxquels ils attribuent des qualités hors du commun.
Le père imaginaire (c’est ce qu’on appelle aussi l’imago paternelle, construit fantasmatiquement par l’enfant, principalement au regard de ses relations avec son père et le discours de la mère qui peut y faire appel) est un père à qui on peut faire appel pour menacer. Ce père imaginaire peut causer des ravages, et parfois même empêcher tout procès dialectique Moi Idéal-Idéal du Moi.
Face à ce père imaginaire, un père réel existe (nous ne distinguerons pas ici le père réel du père de la réalité même si cela est plus compliqué chez Lacan) qui peut parfois être dans une position d’incapacité à poser des actes qui l’authentifierait comme père. C’est sa fonction afin d’être investi comme représentant d’une autorité porteuse du symbole phallique, futur agent de la castration.
Et c’est ce qui est parfois bien problématique. Si le père réel peut aisément porter le père imaginaire par ses conduites, incarnant même au besoin le discours de la mère, il est censé être également un père donateur comme l’écrit Joël Dor[25], afin de représenter l’instance symbolique censée être l’agent de la castration symbolique.
En effet, le père symbolique, contrairement au père réel qui, lui, est pris dans une histoire, est anhistorique. Mais il faut bien un agent, un délégué pour que cette fonction paternelle puisse être appliquée. Cet agent, c’est ce père réel. Mais pour qu’il puisse accéder au statut de mandateur, de porteur de la charge, c’est à dire assurer la « fonction de délégation de cette autorité symbolique auprès de la communauté mère-enfant-phallus »[26], il doit faire la preuve qu’il peut être le détenteur de cette même autorité. Et c’est ce qui pose bien souvent problème à l’adolescence.
Dans son article, Joël Dor distingue « un père frustateur », qui, en détournant l’intérêt de la mère peut frustrer l’enfant et entrer en rivalité avec lui, car il apparaît comme objet détenteur du phallus que croyait posséder l’enfant, d’ « un père privateur », qui prive la mère de trouver tout ce qui lui manque chez son enfant. La conjonction de ces « deux pères » finirait selon l’auteur par former l’image d’ « un père interdicteur », qui interdit finalement à l’enfant de s’identifier au phallus, et à la mère de l’identifier comme tel. La communauté mère-enfant-phallus peut s’agrandir par le glissement de cet objet spécial qu’est l’attribut phallique. Enfin, la dernière preuve que ce père a bien reçu cet attribut, c’est qu’il peut le donner potentiellement à la mère, autrement dit, que la mère peut signifier à son enfant au travers de son discours qu’elle peut recevoir de cet individu désigné comme père, l’objet de son désir. Le « père interdicteur » devenant aussi « père donateur » peut alors assurer la charge de représenter la fonction paternelle, celle d’assurer le jeu de déplacement de l’attribut phallique.
La difficulté de régulation du dispositif narcissique chez certains adolescents pourrait donc être rapportée à un Idéal du Moi vacillant, souffrant d’un manque d’introjection. En effet, la captation du côté du Moi Idéal, liée à la toute-puissance accordée au père imaginaire, est censée être limitée par l’intervention du père symbolique.
Une lutte peut s’engager entre les rivaux supposés détenteur du phallus (l’adolescent et le « père frustrateur »), et l’opération symbolique (le déplacement du phallus du père, censé être capable de donner à la mère ce qui lui manque) intervient normalement pour pacifier le face à face.
Nous pouvons donc concevoir le processus adolescent comme cette dialectique Moi Idéal – Idéal du Moi. Et au sein de cette dialectique, autrement dit au cours de la progressive supplantation du Moi Idéal par l’Idéal du Moi, se met en place la castration symbolique qui permettra à l’adolescent de chercher à retrouver d’autres objets de satisfaction sans avoir peur de se perdre totalement dans les retrouvailles incestueuses avec un objet. Pour se (re)mettre en quête de l’objet perdu, il faut au préalable perdre cet objet premier.
Nous pensons ainsi que l’échec de la dialectique de la subjectivation Moi Idéal – Idéal du Moi peut avoir pour conséquence la mise en place de conduites masochistes comme défense.
[1] Sigmund Freud, « Pour introduire le narcissisme », in Œuvres complètes, tome XII, PUF, 2005, p.237.
[2] Sigmund Freud, « Le moi et le ça », in Essais de psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 2001.
[3] Nunberg considère que « Le moi encore inorganisé, qui se sent uni au ça, correspond à une condition idéale, et c’est pourquoi on l’appelle le moi idéal. Le propre moi est probablement l’idéal pour le petit enfant, jusqu’au moment où il rencontre la première opposition à la satisfaction de ses besoins. Dans certains accès catatoniques ou maniaques, dans un certain nombre de psychoses conduisant à la détérioration mentale, et jusqu’à un certain degré également dans les névroses, l’individu réalise cette condition idéale dans laquelle il s’accorde tout ce qui lui plaît et rejette tout ce qui lui déplaît. Au cours de son développement, chaque individu laisse derrière lui cet idéal narcissique, mais en fait il aspire toujours à y retourner, ceci avec plus d’intensité dans certaines maladies. Lorsque cet idéal est de nouveau atteint pendant la maladie, le patient, en dépit de ses souffrances et de ses sentiments d’infériorité, se sent plus ou moins tout-puissant et doué de pouvoirs magiques qu’il place de nouveau au service de ses tendances morbides dans la formation des symptômes. N’oublions pas que chaque symptôme contient une réalisation de désirs positive ou négative, dont le patient se sert pour atteindre la toute-puissance. Dans les fantasmes de ‘retour au sein maternel’, l’individu cherche à réaliser cet état idéal de son moi. » dans Principes de psychanalyse, PUF, 1957.
[4] Daniel Lagache, Agressivité, structure de la personnalité et autres travaux, PUF, 1982
[5] Daniel Lagache, « La psychanalyse et la structure de la personnalité », in Agressivité, structure de la personnalité et autres travaux, PUF, 1982, p. 223.
[6] Jacques Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Points Seuil, Paris, 1975.
[7] Daniel Lagache, « La psychanalyse et la structure de la personnalité », in Agressivité, structure de la personnalité et autres travaux, PUF, 1982, p. 227.
[8] Ibid., p. 230.
[9] Jacques Lacan, « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : ‘psychanalyse et structure de la personnalité’ », in Ecrits II, Points Seuil, 1999.
[10] Jacques Lacan, Les écrits techniques de Freud, le séminaire, livre I, texte établi par Jacques-Alain Miller, Editions du Seuil, 1975, p. 205 à p. 225.
[11] Jacques Lacan, « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : ‘psychanalyse et structure de la personnalité’ », in Ecrits II, Points Seuil, 1999, p. 148-149.
[12] Ce schéma est issu d’une expérience de physique où certaines propriétés de l’optique sont utilisées. Il s’agit de voir apparaître, dans certaines conditions, un bouquet de fleurs dans un vase réel qui n’en contient pas. Nous en trouvons une première représentation dans le Séminaire sur les Ecrits techniques de Freud (1953-1954), puis dans l’ article « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : ‘psychanalyse et structure de la personnalité’ », ou encore dans le Séminaire sur l’Angoisse (1962-1963) où il permet à Lacan de traiter de l’objet a.
[13] Jacques Lacan, « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : ‘psychanalyse et structure de la personnalité’ », in Ecrits II, Points Seuil, 1999, p. 130.
[14] Jacques Lacan, Les écrits techniques de Freud, le séminaire, livre I, texte établi par Jacques-Alain Miller, Editions du Seuil, 1975, p. 222.
[15] Le concept de subjectivation a pu rendre de grands services dans une certaine unification de différentes descriptions théoriques.
[16] François Richard, Le processus de subjectivation à l’adolescence, Dunod, 2001, p. 11. Ce concept fut introduit par Raymond Cahn dans son ouvrage Adolescence et Folie de 1991 et utilisé plus largement dans le suivant L’adolescent dans la psychanalyse. L’aventure de la subjectivation écrit en 1998. Pour une revue de cette question en profondeur, on renverra à l’article critique de Philippe Givre et Jacques Goldberg paru en deux temps dans la revue Adolescence n°45 et 46 « Des subjectivations à l’adolescence : À propos de trois ouvrages sur le processus de subjectivation à l’adolescence ».
[17] François Richard, Le processus de subjectivation à l’adolescence, Dunod, 2001 et La subjectivation, sous la direction de François Richard et de Steven Wainrib, Dunod, 2006.
[18] Bernard Penot, La passion du sujet freudien: entre pulsionnalité et signifiance, Erès, 2001.
[19] Patrick Delaroche, De l’amour de l’autre à l’amour de soi, Denoël, 1999.
[20] Michael Balint, Amour primaire et technique psychanalytique, Payot, 2001, ou encore Le défaut fondamental, Payot, 2003.
[21] Patrick Delaroche, De l’amour de l’autre à l’amour de soi, Denoël, 1999, p. 61.
[22] Notamment avec ce que les deux notes sur l’enfant à Jenny Aubry résument. Elles ont été publiées par Jacques-Alain Miller dans : Jacques Lacan, Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 373-374.
[23] Sigmund Freud, « Des transpositions pulsionnelles, en particulier dans l’érotisme anal », in Œuvres complètes, tome XV, PUF, 1996.
[24] « Le rôle de la mère, c’est le désir de la mère. C’est capital. Le désir de la mère n’est pas quelque chose qu’on peut supporter comme ça, que cela vous soit indifférent. Ça entraîne toujours des dégâts. Un grand crocodile dans la bouche duquel vous êtes — c’est ça, la mère. On ne sait pas ce qui peut lui prendre tout d’un coup, de refermer son clapet. C’est ça, le désir de la mère.
Alors, j’ai essayé d’expliquer qu’il y avait quelque chose qui était rassurant. Je vous dis des choses simples, j’improvise, je dois le dire. Il y a un rouleau, en pierre bien sûr, qui est là en puissance au niveau du clapet, et ça retient, ça coince. C’est ce qu’on appelle le phallus. C’est le rouleau qui vous met à l’abri, si, tout d’un coup, ça se referme. », in Jacques Lacan, L’envers de la psychanalyse, Seuil, 1991, p. 129.
[25] Joël Dor, « Lacan et la fonction symbolique du père », in Adolescence, « Sexualités », numéro spécial 1997.
[26] Joël Dor, « Lacan et la fonction symbolique du père », in Adolescence, « Sexualités », numéro spécial 1997, p.133
mot(s)-clé(s) : adolescence, narcissisme, psychanalyse
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Intéressantes distinctions.
La distinction Surmoi/ Idéal du moi et moi idéal me paraît capitale
Je travaille sur ces questions dans mon Université
Martine Chifflot
Docteure en philosophie
Prag Iufm Université Lyon 1
Bonjour Madame Chifflot,
En effet, cette distinction, à articuler avec les catégories du symbolique et de l’imaginaire, est importante.
Dans quel cadre travaillez-vous ces questions de votre côté ?
Bien à vous,
VLC.