Adolescence et objets

Comme Brice Courty, qui, dans sa rubrique dans la revue Adolescence, étudie ce qu’il appelle « les objets culturels adolescents »[1], je pense qu’une approche des objets privilégiés des adolescents peut aider le praticien dans sa relation avec le sujet adolescent, tant sur le plan de sa compréhension des spécificités éventuelles de la clinique de l’adolescent, que sur le plan de la relation clinique à chaque fois singulière, car je pense que le désir du praticien à l’égard des objets des adolescents est particulièrement important dans la relation clinique qui peut s’instaurer avec ces patients.

Au cours des processus adolescents, il se déroule ce qu’on pourrait appeler la reconstruction d’un objet psychique particulier : l’objet moi. « Le moi, comme objet d’amour, est au cœur de la reconstruction identitaire adolescente. Cet objet moi, fondement du narcissisme et de l’estime de soi, va être un des objets cruciaux de l’adolescence »[2] écrit Serge Lesourd dans son article « Reconstruction narcissique du moi adolescent ». Face à la disparition définitive de l’objet d’amour primaire à la puberté, il y a nécessité pour le sujet de tenter de le re-trouver. Lesourd distingue, dans son article, l’objet de la réalité, l’objet psychique pulsionnel et une seconde forme de l’objet psychique, l’objet moi, central pour la psychanalyse et particulièrement à l’adolescence. Et c’est finalement au travers de la manipulation de ces objets réels, qui sont bien souvent culturels, que va se jouer cette recréation de l’objet moi. Ainsi, le rapport des adolescents aux jeux vidéo peut, d’une part, nous mettre sur cette piste des remaniements narcissiques dans le processus adolescent, et d’autre part, nous permettre d’avancer dans notre réflexion sur la relation aux objets culturels que peut mettre en place un adolescent dans la quête identitaire au sein de laquelle il est plongé ; quête qui serait donc sous-tendue par la recréation du premier objet d’amour.

Il existe un film qui aborde maladroitement l’autisme : Ben X[3]. Mais ce qui est plus intéressant c’est le fait qu’il cherche à montrer, en usant des possibilités du cinéma, comment, dans certaines situations, cet adolescent, atteint visiblement d’un syndrome d’Asperger, s’identifie à son avatar[4] d’un jeu MMORPG, Archlord, afin d’essayer de se défendre contre les brimades que ses camarades de classe lui infligent régulièrement. Des séquences de son jeu lui reviennent en mémoire lorsqu’il est en difficulté, et lui permettent alors de réagir et de se défendre. Il me semble que ce film illustre très bien la tentative du héros de trouver une issue à ses impasses via la manipulation de l’objet jeu vidéo, autrement dit son introjection, et ainsi de montrer la participation du jeu vidéo dans certains remaniements psychiques.

[1] Brice Courty, « Objets culturels », in Adolescence, 2007, n° 60 ou encore Brice Courty, « Esquisse 3, du virtuel », in Adolescence, 2008, n° 63.

[2] Serge Lesourd, « Reconstruction narcissique du moi adolescent », in Figures de la Psychanalyse, 2004, no9.

[3] Ben X, réalisé par Nick Balthazar en 2008.

[4] Ce terme d’avatar provient du terme sanscrit Avatara qui désigne originalement les incarnations terrestres de la divinité Vishnu dans la philosophie hindouiste. Par extension en matière informatique, l’avatar désigne l’incarnation numérique d’un individu dans un monde virtuel. Pour plus d’informations, lire par exemple : La notion d’Avatar dans les MMORPG, sur http://www.jeuxonline.info/article/mmog_avatar101

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