Le mythe de Star Wars et la question du fantasme

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Personne n’avait pu échapper au déferlement marketing de Dysney lors de la sortie au cinéma de l’épisode VII de la franchise Star Wars

Tout comme les psychanalystes Hugues Paris et Hubert Stoecklin, je crois que le succès de cette dernière (dont les premiers films ont été réalisés en marge du système hollywoodien) et ce particulièrement chez les plus jeunes, tient surtout au fait que cette histoire de Jedis et de Force, de sabre laser, d’inceste et de meurtre du père, met en scène des éléments mythologiques particulièrement importants pour les enfants et les adolescents.

La question du père est évidemment au centre des six premiers films[1]. Le créateur George Lucas a pu dire explicitement[2] qu’il voulait proposer un conte de fée. Pour ce faire, il s’est inspiré des travaux de l’anthropologue et mythologue Joseph Campbell[3], qui s’était lui-même inspiré de Jung, et il a ainsi construit ses personnages comme des archétypes mythologiques, avec comme arrière-fond l’idéologie de conquête de l’espace des westerns. Il a ainsi écrit les six films environ sur trente ans. Les trois premiers qu’on appelle « la Trilogie » : 1977 : Un nouvel espoir ; 1980, L’empire contre-attaque ; 1983, Le retour du jedi ; Et « la Prélogie », qui sont au sein de l’histoire les trois premiers, mais produits respectivement en : 1999, La menace fantôme ; 2002, L’attaque des clones ; 2005, La revanche des Sith.

Hugues Paris et Hubert Stoecklin proposent une idée qui m’a intéressé au sujet d’un enfant avec qui j’ai travaillé, à savoir le fait que « la Trilogie et la Prélogie offrent des différences paradigmatiques de l’état de la question adolescente »[4] dans le sens où la Trilogie «  peut se définir comme un récit enfantin, à la fois conte classique et cosmogonie moderne, mais surtout revisitation du mythe universel de l’Oedipe.» [5] Le fameux Dark Vador, un des méchants les plus célèbres du cinéma, s’y présente comme le père freudien par excellence. Le héros aura alors à affronter son père, un personnage puissant et effrayant, pour parfaire son voyage initiatique, devenir un adulte (plus ou moins) accompli, et obtenir par la même occasion la rédemption de son père.

La Prélogie, quant à elle, met en scène justement l’enfance et surtout l’adolescence d’un certain Anakin, enfant sans père et futur Dark Vador, qui basculera du côté obscur et se transformera en monstre impitoyable. Elle se présente donc comme une tragédie. Anakin  ne peut s’appuyer sur des figures paternelles qui ne cessent de fuir ou de se dérober. Le héros adolescent est alors aux prises avec la mélancolie (c’est la thèse de leur livre) via cette figure maternelle séductrice et omnipotente qu’est l’Empereur[6], et qui l’entraîne vers les affres de la pulsion de mort. Mais il faut souligner combien « c’est [donc] la sexualité et la reproduction sexuée qui sont la source du mal »[7] dans toute cette histoire. Car qu’est-ce qui fera basculer Anakin du côté obscur sinon « le fait qu’il renonce au célibat qu’implique sa charge de chevalier Jedi, puis la grossesse de sa femme. En somme le refus du sexuel et de la génitalité. »[8]

D’un côté donc, une Trilogie écrite dans les années 70 insistant sur la figure oedipienne du père castrateur, de l’autre une Prélogie appartenant aux années 2000 mettant en scène les avatars du narcissisme et de la mélancolie, deux fictions proches dans leur structure pour deux générations d’adolescents, mais figurant les affres de l’adolescence face à la rencontre du féminin de façon à être en prise avec les évolutions culturelles de leur époque.

Je développe ainsi ce sujet dans un article paru dans le numéro 21 de la revue Savoirs et Clinique en exposant la dynamique d’une psychothérapie d’un enfant en transition de la période de latence vers l’adolescence où la question de son fantasme croise celle du mythe individuel à travers une création narrative et visuelle construite à partir de l’univers de Star Wars.


[1] « Star Wars, au final, peut être vu, entendu comme une longue méditation sur la place du père, sa fonction psychique dans la construction du sujet, sa fonction politique dans celle de la nation, sa fonction réel dans l’engendrement et la rencontre amoureuse. », Hubert Stoecklin, Star Wars au risque de la psychanalyse, p.127-142.

[2] Hugues Paris, Hubert Stoecklin, Star Wars au risque de la psychanalyse, Erès, 2012, p.95

[3] Lucas reprend dans les trois premiers films produits « les deux éléments fondamentaux des grandes légendes humaines que Campbell avait mis en évidence […] l’itinéraire du héros et la lutte du Bien et du Mal », Hugues Paris, Hubert Stoecklin, Star Wars au risque de la psychanalyse, p.98

[4] Hubert Stoecklin, Star Wars au risque de la psychanalyse, p.12

[5] Hubert Stoecklin, Star Wars au risque de la psychanalyse, p.12

[6] Hubert Stoecklin, Star Wars au risque de la psychanalyse, p.77-92

[7] Hubert Stoecklin, Star Wars au risque de la psychanalyse, p.148

[8] Hubert Stoecklin, Star Wars au risque de la psychanalyse, p.148

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