Les jeux vidéo ? Et si on en parlait … Episode 3

Les jeux vidéo ? Et si on en parlait… Episode 1

Les jeux vidéo ? Et si on en parlait … Episode 2

Un certain travail de la culture ?

Depuis quelques années déjà, on assiste à l’émergence du retrogaming.

C’est une pratique qui me semble être signifiante d’une sorte de réflexivité de la communauté des joueurs sur leur propre pratique. Une sorte de prise de conscience que ce qu’ils font s’inscrit dans une histoire qui les dépasse, mais aussi que la qualité des jeux n’est pas nécessairement corrélée à la date de sortie récente.

On peut lire le post de Guillaume Gillet sur cette pratique : Définition et analyse du Retrogaming

On peut également lier le retrogaming à ce que l’on définit généralement comme une mode, mais qui est un phénomène historique certainement plus signifiant, qui est la mise en scène de nostalgies générationnelles que l’on trouve dans toute l’industrie culturelle ; la réflexivité étant comptée généralement comme un des caractères de la « postmodernité ».

Au niveau des jeux vidéo, ce mouvement tente ainsi également de préserver certaines formes d’expériences de jeu. Car, jouer dans son salon, même avec ses amis, n’est pas la même expérience que jouer en salle d’arcade. A l’époque les bornes d’arcade étaient les seules à offrir la possibilité de s’affronter, de jouer à plusieurs (parfois jusqu’à quatre joueurs simultanément). Même si aujourd’hui, avec Internet, il est possible de se confronter à des dizaines de milliers de joueurs en ligne, via les MMORPG (Massively Multiplayer On-line Roleplaying Game. Ces « jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs » sont traditionnellement présentés comme des jeux reposant sur un monde virtuel, ouvert à quelques milliers d’utilisateurs simultanément, formant ensemble une communauté virtuelle), il manque l’atmosphère particulière de ces lieux de socialisation, la confrontation en face à face avec un joueur inconnu ou encore l’apprentissage des techniques via l’observation des autres joueurs.

Vous pouvez lire également Retrogaming, salle d’arcade et préservation des formes d’expérience de jeu vidéo

Ceux qui pratiquent ce retrogaming, ne pourrait-on pas les appeler « ludophiles » ? Cela ressemblerait au passage d’un rapport uniquement de consommation au cinéma, à un rapport plus cinéphilique. Cela se pratique souvent via des émulateurs, mais pas seulement. Des magasins se sont spécialisés dans la vente d’anciennes consoles et jeux vidéo.

Petit lexique du jeu vidéo

Immersion

Pour ma part je dirai que l’immersion, c’est ce qu’on veut désigner lorsqu’un sujet suspend le rapport qu’il entretient généralement à la réalité objective, et qu’il se plonge littéralement dans une sorte de neo-réalité, c’est-à-dire une sorte d’univers cohérent produit par un objet représentationnel proposant une fiction, construite à base de représentations littéraires, cinématographiques, ou vidéoludiques. L’immersion se définirait ainsi par rapport à la fiction, non pas simplement par rapport au virtuel. Pour ce sujet, à ce moment-là, plongé dans cet espace fictionnel ou simplement représentationnel, la distinction courante, que l’on est censée vivre quotidiennement (mais qui est totalement redéfinie en psychanalyse) entre ce qu’on nomme réalité et fiction, a tendance à s’effacer. Le sujet croit ainsi à ce qu’il lit, ou voit, tout en sachant que ce n’est pas « vrai ». Et c’est ce paradoxe qui n’est pas évident à saisir conceptuellement, qui me semble être désigné par l’immersion.

L’immersion fait ressortir ce paradoxe inhérent à cet animal parlant qu’est l’être humain, qui est que malgré les éléments de réalité qui nous parviennent de l’extérieur, la réalité psychique, le désir inconscient du sujet, prime.

Vous pouvez lire sur ce blog à ce sujet : De l’immersion dans les jeux vidéo

On peut ajouter d’autres dimensions à l’immersion, qui seraient ainsi spécifiques à l’immersion vidéoludique.

Dominic Arsenault et Martin Picard dans  « Le jeu vidéo entre dépendance et plaisir immersif : les trois formes d’immersion vidéoludique » en proposent une définition:

« Un phénomène qui se produit lorsqu’une couche de données médiatisées est superposée à celle non-médiatisée avec une force et étendue telles qu’elle empêche momentanément la perception de cette dernière » (Page 2).

Dans leur article, il distingue ainsi trois types d’immersion :

« L’immersion sensorielle est provoquée lorsque les sens sont saturés par le média à tel point que le joueur est comme accaparés par le monde du jeu et ses stimuli (sons élevés, immenses images). L’immersion systémique repose sur la connaissance et la maitrise du des règles et des procédures du jeu. L’immersion fictionnelle est provoquée par l’identification ou à l’attachement à un personnage. Elle est produite lorsque le joueur considère qu’il y a un monde au-delà de ce qui est affiché sur l’écran et que ce monde fictionnel est intéressant à explorer. » (Yann Leroux, Métapsychologie de l’immersion dans les jeux vidéo )

Enfin, avec Guillaume Gillet, on peut dire que « L’immersion représente l’ensemble des éléments qui permettent au joueur une absentification de la prise de conscience qu’il se trouve devant un dispositif numérique. L’immersion est intimement liée à la notion d’illusion, au sens où l’entend D. Winnicott. » (Guillaume Gillet, Première notion fondamentale du Jeu vidéo : l’immersion)

Interactivité

C’est cette notion qui permet de parler de l’engagement du corps du joueur dans cette activité, au travers de la main et maintenant du corps du joueur. Cela désigne également le fait que la machine, le système informatique, est à la place d’un autre avec lequel le joueur échange. La question qui en découle, et qui angoisse je crois beaucoup d’adultes, est alors la nature de cet autre.

Gameplay

La notion de gameplay est particulièrement difficile à définir. Elle est même un peu insaisissable, car elle est liée au plaisir, au « fun ». Et pourtant, c’est la notion clef, utilisée de manière instinctive par les joueurs et les concepteurs ou encore les journalistes, qui permet de parler du critère de ce qu’est un bon jeu vidéo. Ici il y a un lien direct et évident avec ce que les psychanalystes connaissent bien, c’est l’utilisation chez l’analyste britannique Donald Winnicott des distinctions que l’on peut faire entre les termes game et play en anglais. Dans son excellent livre Jeu et Réalité, Winnicott utilise cette distinction, qui n’existe qu’en anglais, entre le game qui est l’aspect organisé du jeu, comportant des règles bien définies pour remporter la victoire, et le play, qui est le jeu libre, création de l’enfant par exemple. C’est la différence entre le fait de jouer à un jeu et le fait de jouer avec un objet, à laquelle a affaire tout thérapeute d’enfants. Et c’est justement cette tension dans un jeu vidéo entre ces deux pôles, c’est-à-dire entre toutes les règles mises en place, les contraintes imposées par les aspects techniques et logiciels (le scénario du jeu, les modalités d’action du personnage, etc…), et la liberté laissée au joueur dans l’univers du jeu, qui peut parfois devenir un peu pénible, qui va constituer selon nous l’essence du gameplay.

Ainsi, s’il y a trop de contraintes, trop de difficultés ou d’obstacles à la progression, le jeu perd en général de son intérêt, de son « fun ». Et s’il n’y aucune règle, il est difficile de jouer, et d’y trouver un but. C’est donc à la fois l’équilibre de cette boucle informationnelle homme-machine et le plaisir qui s’en dégage qui sont visés au travers de cette notion.

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